08 décembre 2011

Cinq milliards !

Ces jours-ci, les belges ont acheté massivement des bons d'Etat.
Pour cinq milliards sept cent millions et des poussières, soit en moyenne plus ou moins 50 € par habitant. (1)

Certains, comme moi, par internet, d'un simple clic. D'autres, à l'ancienne, sont allés déposer 200 € (ou plus) au guichet de la poste, comme on allait jadis déposer ses économies à la Caisse d'épargne. Ils ont parfois passé du temps dans de longues files d'attente, vu le succès.

Réflexe moutonnier ? Je ne pense pas.
Spéculation ? Sûrement pas.
Le calcul était simple. Trois ou quatre pour cents, ce n'est jamais que l'équivalent du taux actuel d'inflation en Belgique. C'était donc un moyen simple de protéger ses économies de l'érosion. Rien à voir avec de la spéculation.
ll y a eu aussi la conclusion de l’accord gouvernemental sur le budget et un appel du Premier ministre Yves Leterme au premier jour de l’émission, jeudi dernier, "qui a qui a été entendu comme un appel à la responsabilité citoyenne et "joué un rôle déclencheur d’un sentiment patriotique chez les épargnants". Et toc pour les Banques !
Et puis sans doute un effet Téléthon : les montants souscrits n’ont cessé de grimper jour après jour avec même un rush de dernière minute...
Au lieu de baisser les bras de désespoir et de continuer à râler depuis plus de 500 jours, "nous" avons plutôt choisi de faire un geste de solidarité et de citoyenneté.

Suis-je naïf ? Je vois cela comme un pied de nez aux spéculateurs, aux prêteurs, aux banques toutes puissantes.
Je trouve aussi que c'est un fameux pied de nez à Bart de Wever, lui qui souhaite ardemment  la disparition de la Belgique.

Petite analyse d'Yves Cavalier, qui écrit dans LLB de ce WE (de la Saint Nicolas) :

"Quelle plus belle preuve de confiance que d’accepter de miser ses économies sur la réussite d’un pays dont l’avenir institutionnel reste en grande mutation."

Inattendu, inespéré et même incompréhensible aux yeux des professionnels. Car, soyons sérieux : pourquoi se ruer sur un papier qui vous donne du 4 % de rendement (brut), alors que sur le marché secondaire, vu l’envolée des taux, on peut obtenir au minimum 100 à 150 points de base supplémentaires ?
Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures. Le "bon père de famille" belge en a ras le portefeuille de tous les produits plus ou moins sophistiqués qui lui permettent de glaner quelques miettes de plus à condition que En clair, la Bourse, les marchés sont en disgrâce, et on peut même se demander si les "conseilleurs", les intermédiaires ne subissent pas le même sort. Donc, un bon d’Etat. Au moins, c’est simple, c’est facile à comprendre. On n’y touche pas pendant 5 ans, et on encaisse les intérêts. Bref, c’est du béton. Comme l’étaient les bons de caisse des banques, avant qu’elles ne fassent faillite les unes après les autres.
Le message est celui-là : assez de risque, assez de spéculation. Et si, en outre, cette contribution peut avoir les allures d’un acte citoyen, tant mieux.
Le bon sens populaire finit par l’emporter, et ça, c’est la bonne nouvelle du jour." 


(Et si les autres pays de la zone Euro faisaient de même ?)


Et Yves Cavalier ajoute "Comment rétablir le cercle vertueux d’une épargne publique qui finance la croissance harmonieuse de l’économie ? Comment ramener les marchés à leur rôle de régulateur des flux de capitaux et non plus à celui centralisateur des flux spéculatifs ? Lorsqu’on sortira de cette crise - si on en sort un jour ! -, les marchés eux-mêmes devront se poser de sérieuses questions sur leur fonction et leur avenir."

Note positive pour finir : un petit mot sur les entreprises coopératives.

"Créé à ses origines pour offrir un contrepoids économique et social aux méfaits du capitalisme industriel de la fin du XVIIIe, l’entrepreneuriat coopératif contemporain reste un modèle crédible face aux excès du capitalisme financier dominant. Mais s’il ne se contrôle pas lui-même, il risque, par mimétisme, de se transformer en "coopitalisme".
(Jean-François Hoffelt Président honoraire du Conseil national de la coopération et secrétaire général de Febecoop, dans un article sur "Les enseignements du crash d'Arco"). Eviter les amalgames !

Le modèle d’entreprise coopératif - qui, aujourd’hui plus que jamais, reste porteur de sens - continue à rencontrer en Europe comme en Belgique un vif succès comme l’indiquent, à titre d’exemple, des entreprises comme Milcobel (laiterie), Crédit agricole, CPH (banque), Ecopower (éolien) sans parler des nombreuses nouvelles entreprises coopératives créées dans le domaine de l’aide aux personnes, de l’insertion socio-économique ou des métiers de l’environnement.
L’Onu a, quant à elle, déclaré 2012 "année internationale des coopératives", rendant ainsi hommage aux acteurs du mouvement coopératif du monde entier pour leur contribution à la réduction de la pauvreté, la création d’emplois et l’intégration sociale.
La pertinence du modèle d’entreprise coopératif - axé autour de valeurs et principes universellement reconnus (solidarité, responsabilité, engagement ), mais aussi démocratie économique (absence d’actionnaire dominant), non-lucrativité (constitution de patrimoines collectifs à long terme plutôt qu’enrichissement des membres à court terme), ancrage local et régional - reste le meilleur garant d’un développement économique et social, qui s’inscrit dans la durée.


Et demain ?

Il est intéressant de mettre quelques économies chez Triodos ou dans les coopératives éthiques : Crédal, micro-crédits et autres (Emission zéro, les éoliennes citoyennes, Energie 2030, Ecopower, Oxfam...)
Et parallèlement à la crise qui pointe, émerge un autre rapport à l'argent : les monnaies alternatives, les SEL...
Je vous en parlerai ailleurs. A suivre de près...

(1) Et curieusement cette somme est pratiquement la moitié des 11,3 milliards que l'ex- futur gouvernement devait absolument trouver, au forceps, pour le budget 2012 !