13 avril 2020

Grand Corps Malade - EFFETS SECONDAIRES

(vidéo Lyrics) 3min. 45

https://youtu.be/4UX6Wsr8GMU


Quand l’Univers et le Coronavirus (Coco pour les intimes) discutent…


 Coco : Univers, pourquoi me mettre dans le pangolin ?
Univers : Cet animal, Corona, est en voie d’extinction. Et pourtant, les hommes continuent de le braconner et de le manger. … Ce sera la 1ère étape de ma leçon

Coco : D’accord, Univers. Pourquoi tu veux que ça commence en Chine?
Univers : La Chine est le symbole de la mondialisation et de la production de masse, petit. Ce pays est surpeuplé, il produit en masse et pollue en masse…

Coco : C’est vrai, Univers… Mais en même temps c’est parce que les autres pays y ont un intérêt financier aussi, non ?
Univers : Oui petit, c’est pour cela que ta mission va être de te répandre partout dans le monde, et principalement dans tous les pays concernés par ce système, l’Europe, les US, les pays producteurs de pétrole…

Coco : Quelle forme vas tu me donner, Univers ?
Univers : Celle d’un virus qui va principalement infecter les voies respiratoires.

Coco  : Mais pourquoi Univers ?
Univers : Petit, vois-tu, de nos jours, les hommes mettent en danger la planète. La pollution est devenue trop importante mais l’humanité n’en mesure pas l’ampleur. Quoi de plus symbolique que la respiration petit, tu comprends ?

Coco : Oui mais ça veut dire que je vais être dangereux, Univers ?
Univers : Tu ne le seras pas plus que plein d’autres maladies existantes petit, et tu le seras bien moins que la pollution elle-même qui génère des milliers de morts ! Mais la différence c’est que toi, tu seras visible…

Coco : D’accord, Univers. Mais tu crois que ça va marcher ton truc là alors, je comprends pas comment ?
Univers : Tu as raison, petit. C’est pour cela que je vais te rendre très contagieux. Tu vas vite te propager. La vitesse de propagation sera bien supérieure à ta dangerosité.

Coco : Ok, mais alors, si je suis pas si dangereux, tu crois qu’ils vont avoir peur de moi ?
Univers : Oh oui, petit, fais-moi confiance. C’est sur cela d’ailleurs que je compte pour faire évoluer les mentalités : la peur.
Ce n’est que quand l’homme a peur, qu’il peut changer ensuite…

Coco : Tu crois ?
Univers : Oui petit, et je vais ajouter tout un contexte pour amplifier la peur et les prises de conscience.

Coco : Quoi Univers …?
Univers : La peur va tellement prendre le dessus que l’on confinera les gens chez eux, tu verras. Le monde sera à l’arrêt. Les écoles seront fermées, les lieux publics, les gens ne pourront plus aller travailler. Les croisières, les avions, les moyens de transport seront vides…

Coco : oh la la, Univers, tu vas loin, mais qu’espères-tu de cela ?
Univers : Que le monde change, petit ! Que Terre Mère soit respectée ! Que les gens prennent conscience de la bêtise humaine, des incohérences des modes de vie et qu’ils prennent le temps de réfléchir à tout cela … Qu’ils arrêtent de courir, découvrent qu’ils ont une famille et des enfants et du temps avec eux. Qu’ils ne puissent plus recourir aux suractivités extérieures car elles seront fermées. Se reconnecter à soi, à sa famille, ça aussi, petit, c’est essentiel…

Coco : Ok mais ça va être dangereux, l’économie va s’effondrer….
Univers : Oui petit, il y aura de grosses conséquences économiques. Mais il faut passer par là. C’est en touchant à cela aussi, que le monde, je l’espère, va prendre conscience de ses incohérences de fonctionnement. Les gens vont devoir revenir à un mode de vie minimaliste, ils vont devoir retourner au local, et je l’espère à l’entraide…

Coco : Comment vais-je me transmettre ?
Univers : Par le contact humain. Si les gens s’embrassent, se touchent…

Coco : Bizarre, Univers, là je ne te suis pas, tu veux recréer du lien mais tu éloignes les gens ?
Univers : Petit, regarde aujourd’hui comment les hommes fonctionnent. Tu crois que le lien existe encore ? Le lien passe par le virtuel et les écrans. Même quand les hommes se promènent, ils ne regardent plus la nature mais leur téléphone… A part s’embrasser, il ne restait plus grand chose du lien… alors je vais couper ce qui leur restait de lien et je vais exagérer leur travers … en restant confinés chez eux, fort à parier qu’au départ, ils se régalent des écrans mais qu’au bout de plusieurs jours ils satureront… lèveront les yeux… découvriront qu’ils ont une famille, des voisins … et qu’ils ouvriront leur fenêtre pour juste regarder la nature …

Coco  : Tu es dur Univers, tu aurais pu alerter avant de taper aussi fort…
Univers : Mais corona, avant toi j’ai envoyé plein d’autres petits … mais justement c’était trop localisé et pas assez fort…

Coco : Tu es sûr que les hommes vont comprendre cette fois alors ?
Univers : Je ne sais pas Corona… je l’espère… Terre Mère est en danger… si cela ne suffit pas, je ferai tout pour la sauver, il y a d’autres petits qui attendent … mais j’ai confiance en toi Corona… et puis les effets se feront vite sentir … tu verras la pollution diminuera et ça fera réfléchir, les hommes sont très intelligents, j’ai aussi confiance en leur potentiel d’éveil… en leur potentiel de création de nouveaux possibles … ils verront que la pollution aura chuté de manière exceptionnelle, que les risques de pénurie sont réels à force d’avoir trop délocalisé, que le vrai luxe ce n’est plus l’argent mais le temps… il faut un burn out mondial, petit, car l’humanité n’en peut  plus de ce système, mais est trop dans l’engrenage pour en prendre conscience… à toi de jouer…

Coco : Merci Univers… alors j’y vais…

©️ Nana Ads

10 avril 2020

Nos sociétés individualistes en question ?

 "La distanciation sociale ne veut pas dire méfiance. Dans la rue, On ne se sourit plus, l'autre est une source d'angoisse." (Mark Hunyadi)

“Le numérique se révèle être le plus grand prescripteur d’attente de comportement de notre civilisation. Puisqu’il devient médiation obligée entre nous et le monde, il définis ce qu'il faut attendre de nous, de nous en tant que citoyen, de nous en tant qu’être humain.
C'est le numérique qui décide de comment nous devons nous comporter.”
(Mark Hunyadi)



Professeur de philosophie morale et politique à l'Université catholique de Louvain, auteur de La tyrannie des modes de vie (Editions Le Bord de l'eau), Mark Hunyadi est un intellectuel qui refuse de vivre dans sa tour d'ivoire. De plain-pied dans la société contemporaine, il est passionné par la question de la morale. Il est aussi l'auteur d'une réflexion sur l'éthique et la biotechnologie. Observateur, l'homme est aussi engagé dans un combat politique, au sens noble du mot.

Mark Hunyadi formule un constat : « L'éthique est le maître mot, l'éthique est sur toutes les bouches : les chartes éthiques se multiplient, dans les écoles, sur les lieux de travail, dans les institutions ; les commissions éthiques pullulent, qui cadrent les décisions potentiellement dangereuses ; les labels certifient l'équité des produits de consommation ; le politique est scruté aux lunettes de la morale ; toutes nos déclarations publiques sont mesurées à l'aune du politiquement correct, éthique de la juste pensée ».

Mais cette éthique aux multiples visages, cette course à la norme ne remet pas en cause « la marche en avant de l'immense machine qui dévore ceux qui l'utilisent », écrit Mark Hunyadi. Elle ne fait que l'accompagner. Une constatation qu'il formule dans une phrase qui fait mouche : « On a sécurisé la roue du hamster, nous pouvons y tourner en toute quiétude ».
(...)

« L'idéologie technologique »

A l'ère du numérique, Mark Hunyadi s'interroge : « Est-ce vraiment, d'une manière générale, le progrès technologique qui constitue notre salut ? ». Provocateur, il se demande s'il n'y a pas mieux à faire « même du point de vue de notre confort, que d'envahir notre environnement de nanoparticules servant à raffermir nos balles de tennis, à rendre transparentes nos crèmes solaires, plus fluides nos yoghourts et inodores nos chaussettes ? » Assurément si. Il y a mieux à faire.

Mais aucun comité d'éthique ne remet en cause « l'idéologie technologique ». Au nom du progrès. Mais de quel progrès parle-t-on? Les peuples doivent s'emparer de la question et y répondre afin de dire dans quelle société ils veulent vivre vraiment. Il faut un « agir collectif », souligne l'auteur avant de formuler une proposition.

Pour atteindre cet objectif, il ne faut pas attendre de « grand soir », de révolution, de grandes théories fumeuses. Il faut mettre en place une instance politique à l'échelle européenne au sein de laquelle nous pourrions tous nous poser la question de notre mode de vie.

Pourquoi pas un « Parlement des modes de vie » ? « Au destin fatal de l'engrènement mécanique des libertés individuelles débouchant sur la tyrannie des modes de vie, se substituerait le choix commun d'options mûrement débattues », espère Mark Hunyadi.

http://www.rfi.fr/fr/culture/20150903-idees-ethique-tyrannie-modes-vie-mark-hunyadi-philosophie-morale

L'écouter aussi dans l'émission "Ce Qui Fait Débat" de la RTBF https://www.rtbf.be/auvio/detail_cqfd-ce-qui-fait-debat?id=2620924

Le soin sorti de l’ombre

Extraits d’une lettre de

Michel Dupuis, philosophe, professeur à l’UCLouvain et à l’ULiège 
dans le courrier des lecteurs de La Libre du 7 avril 2020

La crise sanitaire nous fait ressentir et voir bien des choses !
Et des choses habituellement dans l’ombre, tout à coup, apparaissent. La crise révèle. Elle renouvelle le regard. Elle fait voir l’invisible, et surtout elle fait apparaître les "invisibles", toutes ces personnes qui soutiennent la vie au quotidien en étant confinées dans des activités peu valorisées - peut-être même des "sales boulots".
Il me semble que la crise inédite que nous vivons nous apporte sa révélation bien à elle : elle nous fait voir des femmes et des hommes dont la fonction ne recevait pas l’attention qui lui est due. Je pense ici à l’ensemble des professionnels dans les métiers du soin.

Je pense évidemment au personnel "soignant" au sens habituel, au monde des soins de santé, c’est la moindre des choses ! Mais pas uniquement. Je pense aussi à celles et ceux qui pratiquent de "petits" métiers invisibles ou si peu remarqués, alors qu’ils rendent vivables nos vies. Nous sommes en confinement, nous disparaissons des espaces publics et voilà qu’apparaissent celles et ceux dont nous avons besoin : qui fabriquent, qui transportent et qui distribuent notre alimentation, nos médicaments, nos loisirs, notre information, nos déchets, et notre courrier, etc. Sans oublier les enseignants et les personnes qui gardent nos enfants. Tout cela est réellement du soin, social, sanitaire, psychique… La crise révèle un secret que nous gardions dans le cœur, mais dont il était convenu qu’on ne parle pas, et que chacun formulera à voix basse, comme il le veut : "que serais-je sans vous toutes et tous" ?
Les travailleurs essentiels, les oubliés qui font le soin quotidien sont remis en lumière. Ce qui importait il y a encore quelques semaines, bascule et devient très secondaire, disparaît des regards et des communiqués de presse. Ce qui ne comptait guère devient visible et saute aux yeux.

Le soin n’est-il pas l’unique nécessaire, qui se réalise concrètement en gestes, en mots et en pensées ? Le soin n’est-il pas le fond - les anciens Chinois disaient la racine -, la condition du vivre ? Ainsi, la crise nous ouvre les yeux sur un monde plus vrai, plus subtil, plus nuancé : les métiers les plus importants, les activités qui comptent, les gestes qui sauvent, ne sont pas ceux qu’on croyait. Aujourd’hui, nous saluons enfin les personnes qui assurent les soins de santé, et nous nous rendons compte que leur travail rejoint celui d’autres travailleurs, souvent peu qualifiés, dont le service est indispensable.
Les invisibles devenus visibles ne retourneront pas dans l’ombre. On doit y veiller, car la crise nous aura forcés à faire un pas de plus dans l’humanisation de nos sociétés. Notre fraternité passe par la reconnaissance de la dignité et de l’interdépendance de chacun-chacune. 


09 avril 2020

Coronavirus : La Sophrologie pour s'apaiser...

Le Covid-19 et le confinement qui en découle, peuvent avoir un impact important et normal sur nous.
Rester confiné chez soi pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines peut entrainer un état de stress important car nous nous confrontons à la solitude, à l’ennui, ou encore à un climat de tensions familiales, ou bien, à nos propres émotions !

De façon générale, il est possible de surmonter cette épreuve avec des exercices de respiration.

La Vie nous demande de revenir à l'essentiel ! à notre Souffle !

Le Souffle nous dynamise, il nous invite à respirer en conscience, ce qui dépasse la notion d'un simple exercice.
Respirer en conscience devient un acte d'unité, au grand pouvoir guérisseur, qui nous rapproche de notre Soi, de notre Source !
Notre Respiration contient tout, le mouvement de Vie et notre Force Essentielle...
Respirer c'est se remplir d'oxygène mais aussi de cette énergie de Vie.

Pour nous aider à nous remplir de Force Vitale, Nathalie Josseiin , Sophrologue, Formatrice Mandala, partage son
petit guide "Etre au coeur de Soi".










05 avril 2020

Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production avant-crise

Si tout est arrêté, tout peut être remis en cause, infléchi, sélectionné, trié, interrompu ou au contraire accéléré. L’inventaire annuel, c’est maintenant qu’il faut le faire. A la demande de bon sens : « Relançons le plus rapidement possible la production », il faut répondre: « Surtout pas ! ». La dernière des choses à faire serait de reprendre à l’identique tout ce que nous faisions avant.

Par Bruno Latour
4 avril 2020

Il y a peut-être quelque chose d’inconvenant à se projeter dans l’après-crise alors que le personnel de santé est, comme on dit, « sur le front », que des millions de gens perdent leur emploi et que beaucoup de familles endeuillées ne peuvent même pas enterrer leurs morts. Et pourtant, c’est bien maintenant qu’il faut se battre pour que la reprise économique, une fois la crise passée, ne ramène pas le même ancien régime climatique contre lequel nous essayions jusqu’ici, assez vainement, de lutter.

En effet, la crise sanitaire est enchâssée dans ce qui n’est pas une crise – toujours passagère – mais une mutation écologique durable et irréversible. Si nous avons de bonne chance de « sortir » de la première, nous n’en avons aucune de « sortir » de la seconde. Les deux situations ne sont pas à la même échelle, mais il est très éclairant de les articuler l’une sur l’autre. En tout cas, ce serait dommage de ne pas se servir de la crise sanitaire pour découvrir d’autres moyens d’entrer dans la mutation écologique autrement qu’à l’aveugle.

La première leçon du coronavirus est aussi la plus stupéfiante : la preuve est faite, en effet, qu’il est possible, en quelques semaines, de suspendre partout dans le monde et au même moment, un système économique dont on nous disait jusqu’ici qu’il était impossible à ralentir ou à rediriger. À tous les arguments des écologiques sur l’infléchissement de nos modes de vie, on opposait toujours l’argument de la force irréversible du « train du progrès » que rien ne pouvait faire sortir de ses rails, « à cause », disait-on, « de la globalisation ». Or, c’est justement son caractère globalisé qui rend si fragile ce fameux développement, susceptible au contraire de freiner puis de s’arrêter d’un coup.

En effet, il n’y a pas que les multinationales ou les accords commerciaux ou internet ou les tour operators pour globaliser la planète : chaque entité de cette même planète possède une façon bien à elle d’accrocher ensemble les autres éléments qui composent, à un moment donné, le collectif. Cela est vrai du CO2 qui réchauffe l’atmosphère globale par sa diffusion dans l’air ; des oiseaux migrateurs qui transportent de nouvelles formes de grippe ; mais cela est vrai aussi, nous le réapprenons douloureusement, du coronavirus dont la capacité à relier « tous les humains » passe par le truchement apparemment inoffensif de nos divers crachotis. A globalisateur, globalisateur et demi : question de resocialiser des milliards d’humains, les microbes se posent un peu là !

Cette pause soudaine dans le système de production globalisée, il n’y a pas que les écologistes pour y voir une occasion formidable d’avancer leur programme d’atterrissage.

D’où cette découverte incroyable : il y avait bien dans le système économique mondial, caché de tous, un signal d’alarme rouge vif avec une bonne grosse poignée d’acier trempée que les chefs d’État, chacun à son tour, pouvaient tirer d’un coup pour stopper « le train du progrès » dans un grand crissement de freins. Si la demande de virer de bord à 90 degrés pour atterrir sur terre paraissait encore en janvier une douce illusion, elle devient beaucoup plus réaliste : tout automobiliste sait que pour avoir une chance de donner un grand coup de volant salvateur sans aller dans le décor, il vaut mieux avoir d’abord ralenti…

Malheureusement, cette pause soudaine dans le système de production globalisée, il n’y a pas que les écologistes pour y voir une occasion formidable d’avancer leur programme d’atterrissage. Les globalisateurs, ceux qui depuis le mitan du XXe siècle ont inventé l’idée de s’échapper des contraintes planétaires, eux aussi, y voient une chance formidable de rompre encore plus radicalement avec ce qui reste d’obstacles à leur fuite hors du monde. L’occasion est trop belle, pour eux, de se défaire du reste de l’État-providence, du filet de sécurité des plus pauvres, de ce qui demeure encore des réglementations contre la pollution, et, plus cyniquement, de se débarrasser de tous ces gens surnuméraires qui encombrent la planète[1].

N’oublions pas, en effet, que l’on doit faire l’hypothèse que ces globalisateurs sont conscients de la mutation écologique et que tous leurs efforts, depuis cinquante ans, consistent en même temps à nier l’importance du changement climatique, mais aussi à échapper à ses conséquences en constituant des bastions fortifiés de privilèges qui doivent rester inaccessibles à tous ceux qu’il va bien falloir laisser en plan. Le grand rêve moderniste du partage universel des « fruits du progrès », ils ne sont pas assez naïfs pour y croire, mais, ce qui est nouveau, ils sont assez francs pour ne même pas en donner l’illusion. Ce sont eux qui s’expriment chaque jour sur Fox News et qui gouvernent tous les États climato-sceptiques de la planète de Moscou à Brasilia et de New Delhi à Washington en passant par Londres.

Si tout est arrêté, tout peut être remis en cause.

Ce qui rend la situation actuelle tellement dangereuse, ce n’est pas seulement les morts qui s’accumulent chaque jour davantage, c’est la suspension générale d’un système économique qui donne donc à ceux qui veulent aller beaucoup plus loin dans la fuite hors du monde planétaire, une occasion merveilleuse de « tout remettre en cause ». Il ne faut pas oublier que ce qui rend les globalisateurs tellement dangereux, c’est qu’ils savent forcément qu’ils ont perdu, que le déni de la mutation climatique ne peut pas durer indéfiniment, qu’il n’y a plus aucune chance de réconcilier leur « développement » avec les diverses enveloppes de la planète dans laquelle il faudra bien finir par insérer l’économie. C’est ce qui les rend prêts à tout tenter pour extraire une dernière fois les conditions qui vont leur permettre de durer un peu plus longtemps et de se mettre à l’abri eux et leurs enfants. « L’arrêt de monde », ce coup de frein, cette pause imprévue, leur donne une occasion de fuir plus vite et plus loin qu’ils ne l’auraient jamais imaginé[2]. Les révolutionnaires, pour le moment, ce sont eux.

C’est là que nous devons agir. Si l’occasion s’ouvre à eux, elle s’ouvre à nous aussi. Si tout est arrêté, tout peut être remis en cause, infléchi, sélectionné, trié, interrompu pour de bon ou au contraire accéléré. L’inventaire annuel, c’est maintenant qu’il faut le faire. A la demande de bon sens : « Relançons le plus rapidement possible la production », il faut répondre par un cri : « Surtout pas ! ». La dernière des choses à faire serait de reprendre à l’identique tout ce que nous faisions avant.

Par exemple, l’autre jour, on présentait à la télévision un fleuriste hollandais, les larmes aux yeux, obligé de jeter des tonnes de tulipes prêtes à l’envoi qu’il ne pouvait plus expédier par avion dans le monde entier faute de client. On ne peut que le plaindre, bien sûr ; il est juste qu’il soit indemnisé. Mais ensuite la caméra reculait montrant que ses tulipes, il les fait pousser hors-sol sous lumière artificielle avant de les livrer aux avions cargo de Schiphol dans une pluie de kérosène ; de là, l’expression d’un doute : « Mais est-il bien utile de prolonger cette façon de produire et de vendre ce type de fleurs ? ».

Nous devenons d’efficaces interrupteurs de globalisation.

De fil en aiguille, si nous commençons, chacun pour notre compte, à poser de telles questions sur tous les aspects de notre système de production, nous devenons d’efficaces interrupteurs de globalisation – aussi efficaces, millions que nous sommes, que le fameux coronavirus dans sa façon bien à lui de globaliser la planète. Ce que le virus obtient par d’humbles crachotis de bouches en bouches – la suspension de l’économie mondiale –, nous commençons à l’imaginer par nos petits gestes insignifiants mis, eux aussi, bout à bout : à savoir la suspension du système de production. En nous posant ce genre de questions, chacun d’entre nous se met à imaginer des gestes barrières mais pas seulement contre le virus : contre chaque élément d’un mode de production dont nous ne souhaitons pas la reprise.

C’est qu’il ne s’agit plus de reprendre ou d’infléchir un système de production, mais de sortir de la production comme principe unique de rapport au monde. Il ne s’agit pas de révolution, mais de dissolution, pixel après pixel. Comme le montre Pierre Charbonnier, après cent ans de socialisme limité à la seule redistribution des bienfaits de l’économie, il serait peut-être temps d’inventer un socialisme qui conteste la production elle-même. C’est que l’injustice ne se limite pas à la seule redistribution des fruits du progrès, mais à la façon même de faire fructifier la planète. Ce qui ne veut pas dire décroître ou vivre d’amour ou d’eau fraîche, mais apprendre à sélectionner chaque segment de ce fameux système prétendument irréversible, de mettre en cause chacune des connections soi-disant indispensables, et d’éprouver de proche en proche ce qui est désirable et ce qui a cessé de l’être.

D’où l’importance capitale d’utiliser ce temps de confinement imposé pour décrire, d’abord chacun pour soi, puis en groupe, ce à quoi nous sommes attachés ; ce dont nous sommes prêts à nous libérer ; les chaînes que nous sommes prêts à reconstituer et celles que, par notre comportement, nous sommes décidés à interrompre[3]. Les globalisateurs, eux, semblent avoir une idée très précise de ce qu’ils veulent voir renaître après la reprise : la même chose en pire, industries pétrolières et bateaux de croisière géants en prime. C’est à nous de leur opposer un contre-inventaire. Si en un mois ou deux, des milliards d’humains sont capables, sur un coup de sifflet, d’apprendre la nouvelle « distance sociale », de s’éloigner pour être plus solidaires, de rester chez soi pour ne pas encombrer les hôpitaux, on imagine assez bien la puissance de transformation de ces nouveaux gestes-barrières dressés contre la reprise à l’identique, ou pire, contre un nouveau coup de butoir de ceux qui veulent échapper pour de bon à l’attraction terrestre.

Un outil pour aider au discernement

Comme il est toujours bon de lier un argument à des exercices pratiques, proposons aux lecteurs d’essayer de répondre à ce petit inventaire. Il sera d’autant plus utile qu’il portera sur une expérience personnelle directement vécue. Il ne s’agit pas seulement d’exprimer une opinion qui vous viendrait à l’esprit, mais de décrire une situation et peut-être de la prolonger par une petite enquête. C’est seulement par la suite, si vous vous donnez les moyens de combiner les réponses pour composer le paysage créé par la superposition des descriptions, que vous déboucherez sur une expression politique incarnée et concrète — mais pas avant.

Attention : ceci n’est pas un questionnaire, il ne s’agit pas d’un sondage. C’est une aide à l’auto-description [3].

Il s’agit de faire la liste des activités dont vous vous sentez privés par la crise actuelle et qui vous donnent la sensation d’une atteinte à vos conditions essentielles de subsistance. Pour chaque activité, pouvez-vous indiquer si vous aimeriez que celles-ci reprennent à l’identique (comme avant), mieux, ou qu’elles ne reprennent pas du tout.

Répondez aux questions suivantes :

Question 1 : Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas ?

Question 2 : Décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît nuisible/ superflue/ dangereuse/ incohérente ; b) en quoi sa disparition/ mise en veilleuse/ substitution rendrait d’autres activités que vous favorisez plus facile/ plus cohérente ? (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 1.)

Question 3 : Quelles mesures préconisez-vous pour que les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs qui ne pourront plus continuer dans les activités que vous supprimez se voient faciliter la transition vers d’autres activités ?

Question 4 : Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles se développent/ reprennent ou celles qui devraient être inventées en remplacement ?

Question 5 : Décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît positive ; b) comment elle rend plus faciles/ harmonieuses/ cohérentes d’autres activités que vous favorisez ; et c) permettent de lutter contre celles que vous jugez défavorables ? (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 4.)

Question 6 : Quelles mesures préconisez-vous pour aider les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs à acquérir les capacités/ moyens/ revenus/ instruments permettant la reprise/ le développement/ la création de cette activité ?

(Trouvez ensuite un moyen pour comparer votre description avec celles d’autres participants. La compilation puis la superposition des réponses devraient dessiner peu à peu un paysage composé de lignes de conflits, d’alliances, de controverses et d’oppositions.)
________________

[1] Voir l’article sur les lobbyistes déchaînés aux Etats-Unis par Matt Stoller, « The coronavirus relief bill could turn into a corporate coup if we aren’t careful », The Guardian, 24.03.20.

[2] Danowski, Deborah, de Castro, Eduardo Viveiros, « L’arrêt de monde », in De l’univers clos au monde infini (textes réunis et présentés). Ed. Hache, Emilie. Paris, Editions Dehors, 2014. 221-339.

[3] L’auto-description reprend la procédure des nouveaux cahiers de doléance suggérés dans Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique. Paris, La Découverte, 2017 et développés depuis par le consortium Où atterrir http://www.bruno-latour.fr/fr/node/841.html


Comment un cordonnier palestinien a lancé une fabrique de masques

Ce qui a débuté comme une expérience du cordonnier quelques jours après l’apparition du coronavirus en Cisjordanie s’est mué aujourd’hui en une entreprise produisant quotidiennement des milliers de masques.

Par Suha Arraf, 23 mars 2020
(Courtesy of Amjad Zaghir)
https://charleroi-pourlapalestine.be/index.php/2020/03/25/comment-un-cordonnier-palestinien-a-lance-une-fabrique-de-masques/

Amjad Zaghir, le seul fabricant de masques en Cisjordanie, dans son atelier de Hébron. (Photo : avec l’autorisation d’Amjad Zaghir)
Deux jours après l’apparition du nouveau coronavirus à Bethléem, Amjad Zaghir,  propriétaire d’un atelier de fabrication de chaussures à Hébron, en Palestine, a compris que la Cisjordanie n’allait pas tarder à être à court de masques faciaux.

Moins de trois semaines plus tard, il est le seul fabricant de masques sur place.

La fabrique de Zaghir, qu’il a lancée du jour au lendemain, produit désormais des milliers de masques par jour et a fait de lui un héros national du fait qu’il aide les Palestiniens à se protéger du virus.
Zaghir s’est mis au travail dès qu’a éclaté la nouvelle des premiers cas diagnostiqués de COVID-19 à Bethléem. Il a
acheté un masque et s’est mis à l’étudier en l’examinant sous toutes les coutures.
Initialement, il pensait pouvoir le recréer à l’aide de certains des matériaux qu’il utilise en cordonnerie.
« J’ai contacté un ami pharmacien et lui ai demandé quels étaient les matériaux utilisés pour confectionner des masques »,
rappelle Zaghir.
« Mon ami m’a expliqué que ce que nous utilisions en cordonnerie ne convenait pas et il m’a orienté dans la bonne direction. »
Zaghir s’est alors mis en quête du tissu adéquat dans la région de Hébron.
Il est tombé sur un vendeur qui en avait acheté en Turquie l’année précédente, mais ne l’avait pas utilisé, parce que cela coûtait moins d’importer des masques de Chine que de les produire soi-même à Hébron.
Zaghir a acheté le tissu, dont son ami le pharmacien a confirmé que c’était bien le matériel qu’il fallait.
« J’ai d’abord essayé de coudre les masques en utilisant la même machine que pour les chaussures. Mais la tentative a échoué parce que le tissu pour les masques était trop fin et qu’il se déchirait facilement »,
explique Zaghir.
« J’ai également essayé de repasser le tissu pour créer les plis, mais j’ai fini par le brûler. »
Zaghir a alors tenté de le repasser en recourant au pressing.

« Ça n’a pas marché non plus », dit-il. « Le tissu délicat ne résistait pas à la chaleur élevée. »

Mais Zaghir n’a pas renoncé – surtout lorsqu’il a appris que les masques commençaient à manquer, en Cisjordanie, et qu’il pourrait d’agir d’une occasion en or.
À trente ans, en tant que descendant d’une famille de marchands qui a hérité cette affaire de chaussures remontant à son arrière-grand-père, Zaghir possède un excellent sens des affaires.

Toutefois, ce n’est pas simplement le profit qui l’a motivé.
« Il s’agit d’aider mon peuple et c’est une façon de créer des opportunités d’emploi »,
dit-il.
« Il y a une crise, à Hébron, et il y a beaucoup de chômeurs. »
Zaghir a voyagé à travers la ville, demandant des conseils dans des ateliers de couture et auprès de pharmaciens.
Finalement, il a découvert qu’il existait en ville une machine capable de plier les masques sans avoir à les repasser.
Pour modérer les effets de la haute température (400 degrés Celsius), il a alors enfermé les masques en sandwich entre des couches de papier. Et l’expérience a réussi.
« Le premier jour, je ne suis parvenu qu’à fabriquer 500 masques »,
dit-il.
« Le lendemain, j’en ai fait 1 000 de plus. J’ai alors engagé 20 travailleurs pour augmenter la production. »
15 mars 2020. Des travailleurs désinfectent un centre commercial à Hébron, dans le cadre des mesures en vue d’empêcher la propagation du coronavirus.



(Photo : Wisam Hashlamoun/Flash90)


Le nom de l’entreprise est Zaghir, ce qui signifie « petit », en arabe.
Et, alors que l’usine même peut en effet être petite, elle est devenue la première et unique entreprise en son genre en Palestine, et elle manufacture entre 7 000 et 9 000 masques par jour.
Zaghir n’est pas satisfait des quantités, toutefois.

Dès la semaine prochaine, il a prévu d’acroître un peu plus la production afin de pouvoir suivre la demande. Il a déjà trouvé un atelier vide, dans lequel il va très bientôt installer du personnel, ajoute-t-il.
Les masques se sont vendus bien mieux que des petits pains, explique Zaghir.
Il les vend aux employés du gouvernement, aux hôpitaux et même à la police palestinienne ; ce seul samedi, il a fourni 5 000 masques à la police de Naplouse.
Pour ces institutions officielles, il vend les masques à un prix symbolique de 1,50 NIS (0,38 €) – un prix déterminé par le gouverneur de Hébron. Pour les pharmacies et les autres vendeurs, le prix est différent.

« J’ai commencé par recevoir des demandes de Jordanie, du Koweït, des pays du Golfe et du Canada », dit-il.

« Même des vendeurs israéliens se sont adressés à moi pour acheter mes masques, mais je n’ai pas assez d’ouvriers. J’espère pouvoir livrer à tout le monde. »
Le matériau utilisé par Zaghir va bientôt faire défaut, cependant. Il en a déjà commandé davantage, mais les pays ont fermé leurs frontières afin d’endiguer la propagation du coronavirus.
La pandémie a également touché la Turquie, d’où le matériau doit être exporté.
Mais il en faut plus pour perturber Zaghir.
« J’ai confiance : Je parviendrai à faire entrer les matériaux. J’ai contacté la Chambre palestinienne de commerce qui, à son tour, a appelé la Chambre israélienne de commerce, qui a alors contacté les douanes et les autres autorités à propos de cette question »,
dit-il.
« C’est une crise de la santé, une pandémie mondiale, un état d’urgence. Ce ne sont pas simplement les affaires, comme d’habitude, et c’est pourquoi j’ai confiance : Ils me laisseront importer les marchandises. »
Zaghir croit que, dans une semaine, il sera à même de produire quelque 100 000 masques par jour.
« Aujourd’hui, j’ai essayé une nouvelle technique de couture qui s’est avérée efficace, et nous avons fabriqué 15 000 masques. C’est le plus gros chiffre depuis que nous avons débuté la production »,
dit-il.
« Mon masque est unique, il ne ressemble à aucun autre masque dans le monde. Toute personne qui tombera sur ce masque saura immédiatement qu’il a été fabriqué à al-Khalil (Hébron) »,
ajoute-t-il.

Publié le 23 mars 2020 sur +972magazine


Traduction : Jean-Marie Flémal
Suha Arraf


Suha Arraf (1969) est directrice, scénariste et productrice. Elle écrit sur la société arabe, la culture palestinienne et le féminisme.


04 avril 2020

Les "récalcitrants" révèlent nos difficultés à vivre réellement la démocratie

Prenons soin de nous !

Bernard Defrance, philosophe.

L'erreur cachée, mais massive et constante, de tous les messages et de toutes les injonctions à respecter confinement, distanciation sociale et gestes d'hygiène est de s'exprimer sous la forme impérative de... l'impératif ! grammatical en deuxième personne du pluriel : "Restez à la maison !" au coin de certains de nos écrans... Mais immanquablement, même inconsciemment sans doute, le récepteur du message ne peut que se poser la question : mais qui parle ? qui est le sujet de cet impératif ? son autorité est-elle, non seulement légale, mais légitime ? Le donneur d'ordre apparaît ainsi comme se plaçant en surplomb vertical à l'égard du destinataire du message et s'étonne ensuite, naïvement, de l'inévitable résistance qu'il suscite ; laquelle le conforte dans l'illusion qu'il sera plus efficace en renforçant l'injonction, en moralisant les "inconscients", et en brandissant menaces d'amendes voir carrément de prison ! Alors même que la situation sanitaire en prison risque de tourner à la catastrophe et qu'on va se trouver sans doute dans l'obligation de libérer les détenus en courtes ou fins de peine, voire non encore jugés, présumés innocents !
On retrouve cette perversion hiérarchique anti-démocratique dans tous les replis des systèmes de "communication", profondément intériorisée par le mode patriarcal de l'éducation en famille et par le mode magistral de l'instruction à l'école. La résistance d'une infime minorité à l'infantilisation permanente du plus grand nombre ne fait que mettre en lumière la résignation de ce plus grand nombre… (…)

Ivan Illich demandait que l'on déscolarise la société (et non une société sans école !). Je demande plus modestement, en tant que citoyen de plein droit, que l'on cesse de me donner des ordres et de me noter. Je demande tout simplement, au moins dans un premier temps, que le "Restez chez vous !" devienne "Restons chez nous !". Passons tous les messages actuellement télévisés à la première personne du pluriel : "Utilisons un mouchoir à usage unique", "Gardons nos distances par solidarité réciproque", "En cas de symptômes, nous appelons le Samu..." etc. Un simple point de grammaire qui pourrait enfin commencer à donner un sens à notre devise républicaine. Prenons soin de nous ! ce qui réconcilie égoïsme nécessaire et solidarité à enjeu vital.

Bernard Defrance, philosophe. 

Repris de l'AUBERGE PÉDAGOGIQUE ANTIVIRALE DU GREN

Nous trouvant dans une formidable expérience de vivre, en vrai, un phénomène qui concerne le monde entier… avec une invention possible de nouvelles solidarités et de nouvelles façons de vivre et travailler, nous proposons, ici, des actions pour agir en cette période de pandémie. L’Éducation nouvelle est créatrice de trésors de solidarité et d’apprentissage à celle-la !
Cherchons, inventons, partageons ces trésors et les questions qui peuvent les accompagner !
Envoyons nos trouvailles à l’ adresse : GREN. Pénétrons dans l’auberge… servons-nous ! Partageons ! BIENVENUE !

03 avril 2020

Le coronavirus ou comment les crises bouleversent nos modèles mentaux

Philippe Silberzahn
Publié le 16 mars 2020


Je suis loin de partager tout ce qui est écrit dans cet articles, mais des passages m'ont paru intéressants. 
Voici donc des Extraits que j'ai choisi.

Le coronavirus constitue une surprise majeure qui bouleverse complètement la vie mondiale, rendant obsolètes en quelques semaines toutes les prévisions et les plans basés sur ces dernières. Le propre d’une surprise est de mettre en lumière un élément de nos modèles mentaux (croyances profondes qui guident notre action) et de l’invalider.
Lorsqu’il y a une différence entre la réalité et nos croyances, nous essayons à tout prix de maintenir ces dernières en inventant toute sortes de raisons pour minimiser la signification de la surprise; il en va de notre intégrité car nos modèles mentaux sont constitutifs de notre identité profonde.
Si la surprise montre un décalage très important entre une croyance et la réalité, elle constitue ce que le spécialiste de la théorie des organisations Karl Weick appelle un épisode cosmologique, c’est-à-dire un choc particulièrement grave qui peut remettre en question notre identité-même: le décalage est trop important pour pouvoir être nié et l’événement est tellement inattendu et puissant qu’il ne peut être interprété par nos modèles mentaux existants, entraînant leur effondrement et celui de notre identité par la même occasion.

le propre d’un modèle mental est de n’être pas vu comme un modèle, mais comme une série de vérités universelles et éternelles.

Nous vivons une époque compliquée confrontée à de nombreux défis. Les modèles mentaux sont bouleversés et nous progressons dans le monde qui émerge comme des somnambules. Nul ne sait ce qui va émerger. Il y a cinquante ans, le sociologue Saul Alinsky avait défini les règles à appliquer par celui qui voulait sincèrement changer le monde. La première, fondamentale, était celle de sa posture: accepter la réalité telle qu’elle est, et ne pas dénigrer ce que l’on veut faire changer. Le dénigrement, observait-il, était la meilleure façon que le système se bloque, laissant la place à la violence comme seul moyen de le débloquer. Pouvons-nous entendre ce message et cesser de penser que le progrès d’une cause passe forcément par le dénigrement de la cause adverse, ou pire encore, par l’invention d’une cause adverse? C’est une discipline que chacun devrait s’imposer à soi-même.

L’ancien président américain Barack Obama répondait à une question sur la calling out culture, c’est à dire la pratique consistant à dénoncer publiquement ses opposants comme moralement indignes, de plus en plus répandue de nos jours, la plupart du temps sur les réseaux sociaux. Sa réponse vaut la peine d’être écoutée par quiconque se pose la question: « Comment changer le monde? »
En substance, il leur dit que dénoncer ne suffit pas. « Si tout ce que vous faites c’est jeter des pierres, vous n’irez pas loin. Vous n’allez pas changer le monde. »
Obama ajoute: « Une croyance répandue aujourd’hui c’est que la façon pour moi de changer les choses est d’être autant que possible dans le jugement à propos des autres; je dénonce quelqu’un, puis je me rassois dans mon fauteuil; je me sens bien. »

La réponse d’Obama n’est en fait guère étonnante lorsque l’on sait qu’il s’est nourri des écrits du sociologue Saul Alinky, auteur de Rules for radicals, la bible des activistes des années 70.
Sa crainte est que les activistes ne se réfugient dans la dénonciation morale des injustices qu’ils constatent.

Dans des lignes prophétiques, Alinksy expliquait ainsi comment, si la gauche se réfugiait dans l’indignation morale, elle abandonnerait les classes populaires à la droite nationale, ce qui s’est progressivement passé à partir des années 70 avec Nixon puis surtout aujourd’hui Trump. Ce dernier émerge donc en partie d’un échec de méthode de la gauche américaine depuis cette époque. Cinquante ans après, on demeure fasciné par la pertinence des écrits d’Alinsky.

Changer le monde est avant tout affaire de posture. De façon de voir le monde qu’on veut changer. Et les principes sont simples. D’abord travailler sur les modèles mentaux, les façons de penser: le changement radical commence dans les têtes, pas dans la rue; Ensuite, partir de la réalité, et pour cela l’accepter pleinement, plutôt que la nier en exigeant un monde idéal sans concession possible; enfin, travailler avec les autres en se mettant d’accord sur les modèles mentaux partagés, ce qui suppose humilité et compromis.

Le coronavirus ou comment les crises bouleversent nos modèles mentaux. 
Philippe Silberzahn, 16  mars 2020.
Dans



http://www.education-nouvelle.ch/auberge-pedagogique-antivirale/

02 avril 2020

Un Boléro de Ravel en confinement avec les musiciens de l'Orchestre National de France

Dans la période délicate que nous traversons, les musiciens de l'Orchestre National de France ont souhaité, malgré la distance, jouer ensemble pour offrir et partager avec chacun ce qu'ils savent le mieux faire : de la musique.

En espérant que ces quelques notes de Ravel, universelles, vous apporteront un peu de chaleur et de réconfort.



Crédits :
Arrangements - Didier Benetti
Réalisation - Dimitri Scapolan

France Musique

En attendant de vous revoir

https://youtu.be/Sj4pE_bgRQI