03 avril 2020
Le coronavirus ou comment les crises bouleversent nos modèles mentaux
Philippe Silberzahn
Publié le 16 mars 2020
Je suis loin de partager tout ce qui est écrit dans cet articles, mais des passages m'ont paru intéressants.
Voici donc des Extraits que j'ai choisi.
Le coronavirus constitue une surprise majeure qui bouleverse complètement la vie mondiale, rendant obsolètes en quelques semaines toutes les prévisions et les plans basés sur ces dernières. Le propre d’une surprise est de mettre en lumière un élément de nos modèles mentaux (croyances profondes qui guident notre action) et de l’invalider.
Lorsqu’il y a une différence entre la réalité et nos croyances, nous essayons à tout prix de maintenir ces dernières en inventant toute sortes de raisons pour minimiser la signification de la surprise; il en va de notre intégrité car nos modèles mentaux sont constitutifs de notre identité profonde.
Si la surprise montre un décalage très important entre une croyance et la réalité, elle constitue ce que le spécialiste de la théorie des organisations Karl Weick appelle un épisode cosmologique, c’est-à-dire un choc particulièrement grave qui peut remettre en question notre identité-même: le décalage est trop important pour pouvoir être nié et l’événement est tellement inattendu et puissant qu’il ne peut être interprété par nos modèles mentaux existants, entraînant leur effondrement et celui de notre identité par la même occasion.
le propre d’un modèle mental est de n’être pas vu comme un modèle, mais comme une série de vérités universelles et éternelles.
Nous vivons une époque compliquée confrontée à de nombreux défis. Les modèles mentaux sont bouleversés et nous progressons dans le monde qui émerge comme des somnambules. Nul ne sait ce qui va émerger. Il y a cinquante ans, le sociologue Saul Alinsky avait défini les règles à appliquer par celui qui voulait sincèrement changer le monde. La première, fondamentale, était celle de sa posture: accepter la réalité telle qu’elle est, et ne pas dénigrer ce que l’on veut faire changer. Le dénigrement, observait-il, était la meilleure façon que le système se bloque, laissant la place à la violence comme seul moyen de le débloquer. Pouvons-nous entendre ce message et cesser de penser que le progrès d’une cause passe forcément par le dénigrement de la cause adverse, ou pire encore, par l’invention d’une cause adverse? C’est une discipline que chacun devrait s’imposer à soi-même.
L’ancien président américain Barack Obama répondait à une question sur la calling out culture, c’est à dire la pratique consistant à dénoncer publiquement ses opposants comme moralement indignes, de plus en plus répandue de nos jours, la plupart du temps sur les réseaux sociaux. Sa réponse vaut la peine d’être écoutée par quiconque se pose la question: « Comment changer le monde? »
En substance, il leur dit que dénoncer ne suffit pas. « Si tout ce que vous faites c’est jeter des pierres, vous n’irez pas loin. Vous n’allez pas changer le monde. »
Obama ajoute: « Une croyance répandue aujourd’hui c’est que la façon pour moi de changer les choses est d’être autant que possible dans le jugement à propos des autres; je dénonce quelqu’un, puis je me rassois dans mon fauteuil; je me sens bien. »
La réponse d’Obama n’est en fait guère étonnante lorsque l’on sait qu’il s’est nourri des écrits du sociologue Saul Alinky, auteur de Rules for radicals, la bible des activistes des années 70.
Sa crainte est que les activistes ne se réfugient dans la dénonciation morale des injustices qu’ils constatent.
Dans des lignes prophétiques, Alinksy expliquait ainsi comment, si la gauche se réfugiait dans l’indignation morale, elle abandonnerait les classes populaires à la droite nationale, ce qui s’est progressivement passé à partir des années 70 avec Nixon puis surtout aujourd’hui Trump. Ce dernier émerge donc en partie d’un échec de méthode de la gauche américaine depuis cette époque. Cinquante ans après, on demeure fasciné par la pertinence des écrits d’Alinsky.
Changer le monde est avant tout affaire de posture. De façon de voir le monde qu’on veut changer. Et les principes sont simples. D’abord travailler sur les modèles mentaux, les façons de penser: le changement radical commence dans les têtes, pas dans la rue; Ensuite, partir de la réalité, et pour cela l’accepter pleinement, plutôt que la nier en exigeant un monde idéal sans concession possible; enfin, travailler avec les autres en se mettant d’accord sur les modèles mentaux partagés, ce qui suppose humilité et compromis.
Le coronavirus ou comment les crises bouleversent nos modèles mentaux.
Philippe Silberzahn, 16 mars 2020.
Dans
http://www.education-nouvelle.ch/auberge-pedagogique-antivirale/
Publié le 16 mars 2020
Je suis loin de partager tout ce qui est écrit dans cet articles, mais des passages m'ont paru intéressants.
Voici donc des Extraits que j'ai choisi.
Le coronavirus constitue une surprise majeure qui bouleverse complètement la vie mondiale, rendant obsolètes en quelques semaines toutes les prévisions et les plans basés sur ces dernières. Le propre d’une surprise est de mettre en lumière un élément de nos modèles mentaux (croyances profondes qui guident notre action) et de l’invalider.
Lorsqu’il y a une différence entre la réalité et nos croyances, nous essayons à tout prix de maintenir ces dernières en inventant toute sortes de raisons pour minimiser la signification de la surprise; il en va de notre intégrité car nos modèles mentaux sont constitutifs de notre identité profonde.
Si la surprise montre un décalage très important entre une croyance et la réalité, elle constitue ce que le spécialiste de la théorie des organisations Karl Weick appelle un épisode cosmologique, c’est-à-dire un choc particulièrement grave qui peut remettre en question notre identité-même: le décalage est trop important pour pouvoir être nié et l’événement est tellement inattendu et puissant qu’il ne peut être interprété par nos modèles mentaux existants, entraînant leur effondrement et celui de notre identité par la même occasion.
le propre d’un modèle mental est de n’être pas vu comme un modèle, mais comme une série de vérités universelles et éternelles.
Nous vivons une époque compliquée confrontée à de nombreux défis. Les modèles mentaux sont bouleversés et nous progressons dans le monde qui émerge comme des somnambules. Nul ne sait ce qui va émerger. Il y a cinquante ans, le sociologue Saul Alinsky avait défini les règles à appliquer par celui qui voulait sincèrement changer le monde. La première, fondamentale, était celle de sa posture: accepter la réalité telle qu’elle est, et ne pas dénigrer ce que l’on veut faire changer. Le dénigrement, observait-il, était la meilleure façon que le système se bloque, laissant la place à la violence comme seul moyen de le débloquer. Pouvons-nous entendre ce message et cesser de penser que le progrès d’une cause passe forcément par le dénigrement de la cause adverse, ou pire encore, par l’invention d’une cause adverse? C’est une discipline que chacun devrait s’imposer à soi-même.
L’ancien président américain Barack Obama répondait à une question sur la calling out culture, c’est à dire la pratique consistant à dénoncer publiquement ses opposants comme moralement indignes, de plus en plus répandue de nos jours, la plupart du temps sur les réseaux sociaux. Sa réponse vaut la peine d’être écoutée par quiconque se pose la question: « Comment changer le monde? »
En substance, il leur dit que dénoncer ne suffit pas. « Si tout ce que vous faites c’est jeter des pierres, vous n’irez pas loin. Vous n’allez pas changer le monde. »
Obama ajoute: « Une croyance répandue aujourd’hui c’est que la façon pour moi de changer les choses est d’être autant que possible dans le jugement à propos des autres; je dénonce quelqu’un, puis je me rassois dans mon fauteuil; je me sens bien. »
La réponse d’Obama n’est en fait guère étonnante lorsque l’on sait qu’il s’est nourri des écrits du sociologue Saul Alinky, auteur de Rules for radicals, la bible des activistes des années 70.
Sa crainte est que les activistes ne se réfugient dans la dénonciation morale des injustices qu’ils constatent.
Dans des lignes prophétiques, Alinksy expliquait ainsi comment, si la gauche se réfugiait dans l’indignation morale, elle abandonnerait les classes populaires à la droite nationale, ce qui s’est progressivement passé à partir des années 70 avec Nixon puis surtout aujourd’hui Trump. Ce dernier émerge donc en partie d’un échec de méthode de la gauche américaine depuis cette époque. Cinquante ans après, on demeure fasciné par la pertinence des écrits d’Alinsky.
Changer le monde est avant tout affaire de posture. De façon de voir le monde qu’on veut changer. Et les principes sont simples. D’abord travailler sur les modèles mentaux, les façons de penser: le changement radical commence dans les têtes, pas dans la rue; Ensuite, partir de la réalité, et pour cela l’accepter pleinement, plutôt que la nier en exigeant un monde idéal sans concession possible; enfin, travailler avec les autres en se mettant d’accord sur les modèles mentaux partagés, ce qui suppose humilité et compromis.
Le coronavirus ou comment les crises bouleversent nos modèles mentaux.
Philippe Silberzahn, 16 mars 2020.
Dans
http://www.education-nouvelle.ch/auberge-pedagogique-antivirale/
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