30 mars 2020

Réflexions coronavirales

Ce matin j’ai attrapé un mot.

J’ai pensé : “de trois choses l’une :
- ou bien j’ai le virus et je dois, à tout prix, éviter de le refiler à quelqu’un d’autre.
- ou bien j’ai le virus avec des symptômes, et je dois en plus trouver le moyen de me soigner. Intelligemment, trouver le juste traitement.
- ou bien je n’ai pas le virus et je dois à tout prix éviter de l’attraper.”
Le voilà, ce mot qui m’a sauté à l’assaut de mes neurones : attraper !
Pour prendre quelque chose, pour l’attraper, il faut faire un geste.

En fait, ce mot veut dire que pour éviter le virus, je ne dois pas seulement rester passif, mais éviter de faire quelque chose. C’est donc un acte, une action, volontaire ou par inadvertance. J’aime bien ce mot inadvertance, qui vient de Salomon Selam : un accident par inadvertance, c’est vraiment trop bête mais on peut l’éviter en étant simplement vigilant, conscient. On pourrait dire maintenant dans la “pleine conscience”.
Eviter d’attraper le virus, c’est simplement être activement vigilant, donc éviter de faire quelque chose : sortir, aller au contact, faire semblant de rien, faire comme avant…

Si tout le monde était conscient de cela, le confinement serait quelque chose de positif.
Pas seulement subir passivement, mais considérer que c’est un geste à la fois auto protecteur et social, une action génératrice de solidarité, de convivialité. Paradoxal, n’est-il pas ?

Par contre, attrapez-moi le virus de la solidarité et de la bienveillance.
C’est une manière de construire l’avenir sur de nouvelles bases, qui vont nous être bien nécessaires, car ceci n’est qu’un signal avant coureur d’une planète aux abois.

Note.
J’espère que les Hollandais vont bientôt élever leur niveau de conscience, avant de contaminer leurs voisins. Il semble bien que la Suisse ait maintenant bien mesuré les risques de la progression du coronavirus. Les informations venant d’Italie nous montre que cette petite bête est vraiment infecte. Voilà pour l’Europe. J’ai aussi une pensée pour les Gazaouis : pas de contamination là-bas, mais eux, ils sont confinés depuis 14 ans !
J’ai enfin une pensée par l’Afrique sud-saharienne, qui peuvent - doivent - se préparer dès maintenant, alors que le virus va faire des ravages seulement dans quelques semaines, dans des villes et bidonvilles surpeuplés sans hôpitaux et sans équipements sanitaires.

Michel Simonis,
samedi 21 mars 2020


Et pour prolonger, je vous invite à prendre connaissance d’une tribune des “Pisteurs d’imagine” :

“ Dès aujourd’hui, notre rédaction et le comité d’accompagnement de notre réforme #Imagine2020, baptisé Les Pisteurs d’Imagine et composé d’une quinzaine de personnalités issues de la société civile, co-signent une tribune intitulée « Après la pandémie ». « Notre devoir aujourd’hui est de savoir lire, dans ces crises, la possibilité d’une refondation », peut-on lire dans cet appel collectif à découvrir sans tarder sur notre site www.imagine-magazine.com.

En voici un extrait :
La crise est sanitaire. Elle a déjà débouché sur une crise financière. Elle annonce une crise économique majeure, avec des fermetures d’entreprises en chaîne, une augmentation brutale du chômage, et une mise à l’épreuve des systèmes de protection sociale dans toutes les régions du monde.
Notre devoir aujourd’hui est de savoir lire, dans ces crises, la possibilité d’une refondation de notre vivre ensemble autour de valeurs fortes, positives et partagées, en adéquation avec les limites planétaires.

C’est notre dernière chance. Depuis quarante ans, les inégalités se sont creusées presque partout. Nous sommes témoins de la sixième extinction massive des espèces, d’une dramatique dégradation des sols, et d’une accumulation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère qui transforment peu à peu la Terre en étuve. Les phénomènes météorologiques extrêmes vont se multiplier, avec des impacts importants notamment sur la production alimentaire. Les migrations forcées de population vont augmenter en conséquence : le nombre de réfugiés climatiques pourrait s’élever en 2050 à 140 millions (selon la Banque mondiale), voire 200 millions (selon l’Organisation des Nations Unies).

Il faut changer de cap. Cette crise, pourvu qu’on veuille bien s’en saisir, en offre l’opportunité. Nous prenons à nouveau conscience d’un destin partagé. Nous prenons aussi conscience de ce qu’ensemble, nous pouvons transformer la société. Aller vers plus de convivialité et de solidarité. Reconquérir des espaces d’autonomie, où chacun peut s’épanouir autrement qu’en tant que producteur ou consommateur. Ralentir cette course folle vers le franchissement des limites planétaires, et peu à peu assurer l’habitabilité future de la planète pour nos petits-enfants. Ce n’est déjà plus un espoir qu’on formule : c’est un impératif éthique qui s’impose à nous.

Nous assistons à une incroyable expérience d’apprentissage collectif accéléré.
Notre devoir n’est pas seulement d’apprendre, mais aussi, déjà, de ne pas oublier. A partir de ces nouvelles manières de produire et de consommer, de s’entraider et de se déplacer, d’enseigner et de prendre soin les uns des autres, une nouvelle société peut s’inventer : une société conviviale et solidaire, dans le respect des limites planétaires.
Nous savions ce qu’il fallait faire. Nous savons à présent comment, face à des circonstances nouvelles, nous sommes capables d’opérer des transformations radicales dans notre manière de fonctionner, à l’échelle individuelle et collective. Ce que nous sommes en train réussir contre l’épidémie du Covid-19 — une mobilisation générale fondée sur la responsabilité de chacun à l’égard de tous les autres, une remise en cause de nos routines —, nous avons le devoir d’y parvenir aussi afin de ralentir la dégradation des écosystèmes, et notamment d’atténuer le changement climatique. On nous dit que cela n’est pas possible. On nous dit que nos cerveaux sont capables de comprendre les risques immédiats, qui nous concernent en proche, mais qu’ils ne sont pas outillés pour réagir aux risques lents, ou aux menaces lointaines et abstraites. Nous disons que nous sommes capables d’apprendre. Qu’il est temps. Que c’est maintenant — ou bien ce ne sera jamais.

La rédaction du magazine Imagine et le comité d’accompagnement du processus #Imagine2020 appelé Les Pisteurs d’Imagine

29 mars 2020

Coronavirus : Donald Trump condamne Cuba pour sa coopération médicale

La mauvaise foi n’a pas de limite !

France Info
https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/coronavirus-donald-trump-condamne-cuba-sa-cooperation-medicale-817020.html

En pleine pandémie de COVID 19, les dirigeants des États-Unis critiquent la coopération médicale cubaine.

 L’argument du champion de la mauvaise foi :

Le département d’état estime que les médecins cubains sont mal rémunérés et contraints de travailler dans des conditions insalubres

38 pays dans le monde bénéficient de l’aide médicale de Cuba. Beaucoup d'entre eux se trouve dans la Caraïbe et en Amérique Latine. À cause de la pandémie du COVID 19, les missions des brigades médicales cubaines aux pays en difficulté augmentent, ce qui suscite l'ire du Président des USA.

Juan Antonio Fernandez, directeur adjoint de la communication dans le ministère des affaires étrangères a déclaré :
La pandémie nous menace tous. C’est le moment de pratiquer la solidarité et de venir en aide à ceux qui en ont besoin.

Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), il faut un minimum de 2,5 médecins pour 1000 habitants pour assurer un service sanitaire correcte. À Cuba, il y a 8,2 médecins pour 1000 habitants. La France en recense 3,2. Les États-Unis n’enregistrent que 2,6.

Les cubains sont fiers de leur savoir-faire médical. Depuis des décennies, la Caraïbe et bien d'autres régions du monde ont pu profiter de la coopération sanitaire, mise en place par le défunt Président Fidel Castro.
Notre pays ne largue pas de bombes sur d’autres peuples. Les dizaines de milliers de scientifiques et de médecins de notre pays sont là pour sauver les vies, a martelé Fidel Castro lors de l'un de ses grands discours.

Cuba appelé au secours de la Caraïbe

Dans le cadre de la pandémie de COVID 19, Cuba envoie des centaines de médecins et d’infirmières aux pays qui ont besoin d'aide. Souvent ils travaillent dans des circonstances difficiles en l’absence d’équipements sophistiqués.

Haïti a 8 cas confirmés du COVID 19. 150 personnes sont en quarantaine. Les hôpitaux manquent de tous. Sur place, l'équipe de 348 médecins et infirmiers cubains a été renforcée par l’arrivée de 25 compatriotes.

La Jamaïque avec 26 malades a accueilli une délégation de 140 cubains, composée de 90 infirmières et 46 médecins.

Antigua et Barbuda a recensé 7 cas du Coronavirus. Les 31 médecins et infirmiers cubains vont renforcer les équipes à l’hôpital public.

À la Dominique, 11 personnes sont malades. Cuba a expédié 25 infirmières, 5 médecins et 4 techniciens de laboratoire pour aider le pays.
On sait qui est notre ami quand les temps sont durs, a déclaré Roosevelt Skerrit, premier ministre de la Dominique.

À Sainte Lucie, une centaine de médecins et d’infirmières cubains aideront le gouvernement à déménager les services hospitaliers dans une nouvelle structure, avec la mise en place d’un service pour maladies respiratoires.

Le gouvernement de Saint-Vincent et les Grenadines qui confirme 1 cas de COVID 19, a salué les actions de Cuba qui a aidé avec 4 médecins et 12 infirmières sur l’île.

La solidarité et la compassion cubaine interviennent au moment où le monde en a besoin or Cuba a ses propres problèmes. Nous remercions ce pays, a déclaré Luke Browne, ministre de la santé de Saint-Vincent et les Grenadines.
La Grenade enregistre 7 cas de Coronavirus. L'île veut faire des essaies cliniques avec l’Interféron Alpha-2B, la molécule anti-virale produite à Cuba, tout comme le Suriname qui a accueilli 51 médecins et infirmières cubains.

Le Venezuela manque de médicaments, les infrastructures sanitaires sont en souffrance. Il y a 77 cas déclarés de Coronavirus. Cuba, un allié proche, a envoyé 137 médecins et infirmières en renfort.

Lorsqu'il s'agit de la coopération médicale avec Cuba, aucun pays de la Caraïbe n'a suivi les consignes du président des États-Unis.

L'origine des pandémies : rencontres à hauts risques

       
Rencontre avec Sophie Vanwambeke, professeure de géographie médicale à l'Institut Earth and Life d'UCLouvain.par Philippe Lamotte - 06 Mars 2020

La propagation du coronavirus (Covid-19) à l'échelle mondiale fait vaciller les monde politique, scientifique et économique. Historiquement, cette pandémie n'est pourtant pas inédite. 



https://enmarche.be/societe/international/l-origine-des-pandemies-rencontres-a-hauts-risques.htm

En Marche : Le SRAS en 2002 venu d'Asie. La grippe H1N1 en 2009 originaire du Mexique. Le virus Ebola en Afrique de l'Ouest en 2014, le virus Zika en Amérique du Sud en 2016... Et maintenant, un nouveau coronavirus (SRAS-CoV-2) responsable du Covid-19. L'impression qu'il y a de plus en plus d'agents infectieux à impact mondial est-elle justifiée ?


Sophie Vanwambeke : Oui et non. Toute l'histoire humaine est ponctuée d'épisodes de zoonose (maladie ou infection transmise naturellement des animaux à l'être humain, et vice-versa, NDLR) comme celui que nous traversons actuellement. La route de la soie, autrefois, n'a pas véhiculé que des épices et des textiles mais aussi des microbes, parfois redoutables. Au milieu du XIVe siècle, la peste bubonique, qui trouve son origine chez le rat, est arrivée de Chine par les caravanes et les navires marchands. Elle fera au total 200 millions de victimes en Europe jusqu'au XVIIe siècle. La conquête de l'Amérique du Sud par les conquistadors espagnols y a apporté rougeole, oreillons, typhus... bien plus meurtriers sur les indigènes que les armes à feu. On a tendance à l'oublier mais, historiquement, la rougeole est une zoonose, de même que la tuberculose, la varicelle, la lèpre, la peste, etc. N'oublions pas, plus récemment, la pandémie de grippe dite "espagnole" (en réalité probablement originaire des États-Unis) : au lendemain de la Première Guerre mondiale, une personne sur cinq dans le monde en a été affectée et 50 à 100 millions de personnes en sont mortes. Bref, rien de ce qui nous arrive aujourd'hui n'est fondamentalement nouveau, même si ces épidémies et pandémies sont infiniment mieux connues et combattues qu'autrefois. Chaque jour, partout dans le monde et sans que personne ne le sache nécessairement, des agents infectieux - parmi lesquels des virus pathogènes - passent d'un hôte à un autre et, parfois, de l'animal à l'homme au gré de mutations génétiques. Mais, le plus souvent, cela s'arrête là.

EM : D'où vient, alors, cette impression d'une multiplication des épisodes pandémiques et d'une plus grande vulnérabilité ?


SV : Le gros changement réside dans les modalités de diffusion des agents infectieux. Cette propagation est aujourd'hui considérablement facilitée par la multiplication des pressions humaines sur l'environnement. À cet égard, on peut comparer le phénomène de la pandémie, d'une nature fondamentalement aléatoire, à une loterie. Si vous achetez un ou deux billets, votre chance de remporter le gros lot est proche de zéro. Si vous en achetez 100.000, vos chances augmentent sensiblement. Eh bien ces "billets", aujourd'hui, sont bien plus nombreux qu'autrefois en raison de l'empiétement galopant des activités humaines sur les territoires où vivent les animaux sauvages. Hommes et animaux : nos zones d'occupations respectives se recouvrent de plus en plus. Le milieu naturel le plus concerné par ce phénomène est la forêt, tout particulièrement la forêt tropicale en raison de sa vaste biodiversité. Lorsque l'homme la défriche et pénètre de plus en plus loin, il modifie les conditions de vie de quantités de ses hôtes. Les chauves-souris, par exemple, connues pour être porteuses d'une grande variété de virus, sont alors obligées de fréquenter des milieux plus anthropisés, créés par l'homme, comme les plantations de palmiers à huile ou les vergers (beaucoup d'espèces de chauves-souris sont frugivores). Dans ces vergers de l'Asie du Sud-Est circulent souvent des porcs où les virus peuvent s'installer (on parle alors d'une population "hôte d'amplification"). Or, des cochons malades peuvent développer une virémie très importante, c'est-à-dire développer une grande quantité de virus. Comme ils vivent proches de l'homme et, par ailleurs, disposent d'un patrimoine génétique très proche du nôtre, toutes les conditions sont réunies pour favoriser le passage de virus de ces "réservoirs" animaliers vers l'homme à l'occasion d'une ou de plusieurs mutation(s) génétique(s). Cela dit, au "ticket de loterie" forestier, il faut évidemment ajouter d'autres facteurs liés, ces vingt ou trente dernières années, à la progression rapide de la démographie mondiale et à l'accroissement énorme des déplacements humains et des transports de marchandises. Qu'ils soient de types "affaires", touristiques, liés à des événements  structurels (pèlerinages, programmes d'échanges d'étudiants) ou ponctuels (méga-événements sportifs), ces mouvements de population renforcent considérablement la diffusion potentielle des virus et autres coronavirus. Sans oublier leur rapidité : autrefois, lorsqu'une caravelle prenait la mer vers un continent lointain, le virus ou la bactérie embarqué(e) à bord avait largement le temps de rendre tout le monde malade à bord et, ayant perdu de sa virulence, de se faire oublier jusqu'à l'arrivée ou... de tuer tout le monde. Aujourd'hui, on fait le tour du monde en vingt-quatre heures. Ce double facteur - concentration humaine et rapidité de déplacement - joue évidemment de tout son poids dans la crise actuelle.

EM : Soit mais, si gigantesque soit-elle, la Chine, d'où provient l'actuel coronavirus Covid-19, ne dispose pas de bassins forestiers tropicaux. Comment expliquer dès lors la pandémie actuelle ?


SV : Si l'Extrême Orient asiatique a été à l'origine du SRAS en 2002 et de l'actuel Covid-19, c'est aussi en raison d'un facteur non négligeable : la présence de très nombreux marchés où se pratiquent diverses formes de commerce d'animaux vivants : pour leur chair, pour leurs vertus médicinales supposées, pour le prestige de disposer d'animaux de compagnie originaux (un phénomène bien connu également en Europe et en Occident en général), etc. Sans vouloir sombrer dans des généralisations hâtives, ce tableau est assez différent de l'Afrique où se pratique plutôt un commerce de viande de brousse. Il s'agit donc, là-bas, d'animaux morts ce qui, avec une urbanisation moindre, réduit les risques de transmission d'agents infectieux. En Asie, les animaux le plus généralement enfermés peuvent, vu le stress ainsi créé, augmenter leur charge virale et devenir plus contagieux. En Asie du Sud-Est, un autre phénomène peut jouer, semblable à ce que nous connaissons en Occident (mais pour la diffusion des grippes, pas pour l'actuel Covid-19!) : la multiplication des élevages intensifs, liée au succès de la consommation de viande par les classes moyennes. Comme les animaux qui y sont élevés (poulets, porcs, etc.) ont un patrimoine génétique identique, ces élevages sont très fragiles : dès qu'un animal est touché par une infection, celle-ci se répand comme un feu de savane. Si, en Europe, ces univers industriels sont en principe très hermétiques par rapport à l'environnement, il n'en va pas nécessairement de même en Asie. Dans des systèmes d’élevage moins hermétiques, les échanges de virus entre oiseaux sauvages, volailles de basse-cour et poulets de batterie sont facilités et peuvent donner lieu à l’apparition de nouveaux virus, plus pathogènes ou virulents. Cet autre "billet de loterie" est ce qu'on a connu en 2004, notamment, lors de l'épidémie de grippe H5N1, restée celle-là strictement aviaire.

EM : Les situations les plus délicates sont donc celles où coexistent, à un moment donné, l'émergence d'un agent pathogène migrant vers l'homme et une concentration maximale d'êtres humains ?


SV : Exactement. Cela montre bien, au passage, la complexité de la chose. Invoquer simplement l'augmentation de la démographie mondiale comme explication des pandémies est un raccourci facile, voire dangereux. De même que pointer des régions précises du globe comme sources des problèmes. D'abord, parce que les zoonoses peuvent se produire n'importe où dans le monde. Pensons à la Borréliose ou maladie de Lyme, transmise chez nous à l'être humain par les tiques (certes, il s'agit là d'une échelle bien plus réduite). Ensuite, et surtout, parce que de tels raccourcis empêchent de se poser les bonnes questions. Exemple : n'y a-t-il pas d'autres moyens, pour donner à manger à tout le monde, que l'actuelle déforestation et l'emprise croissante sur les territoires naturels encore intacts ? L'urbanisation progressive de l'Afrique, à cet égard, pourrait constituer un nouveau facteur de risque demain ou après-demain ­– pas seulement face à Ebola - puisque s'y développeront encore plus les concentrations humaines. Dès aujourd'hui, on peut s'inquiéter de l'existence, notamment en Syrie, de noyaux de populations fuyant les guerres et les conflits. En situation de stress, on peut penser que l'immunité de ces groupes humain est sévèrement compromise. Si des agents comme les coronavirus devaient s'y installer, ces populations affaiblies se retrouveraient en situation délicate.

EM: Êtes-vous inquiète face à la pandémie actuelle ?


SV : Chronologiquement, nous sommes actuellement au milieu du gué. Il va probablement falloir des mois pour connaître au plus près la nature exacte de ce coronavirus et sa réelle contagiosité. Mais la communauté internationale a déjà accompli des pas de géant en très peu de temps. La crise du SRAS en 2003, à cet égard, a constitué un tournant décisif : elle a révélé nos fragilités. Depuis cet événement, les chercheurs du monde entier ont appris à mettre en commun les résultats de leurs études, ce qui permet une réactivité bien plus grande en cas de crise. L'autre avancée majeure réside dans les progrès technologiques accomplis, notamment dans le domaine de la génétique et de la collectes de données épidémiologiques. Il y a quelques années à peine, on n'aurait jamais pu aller si vite pour identifier un nouvel agent comme  le coronavirus à l’œuvre aujourd'hui. Formé (probablement) il y a quelques mois à peine, le génome du Covid-19 est aujourd'hui connu dans son intégralité. Enfin, les coûts de tels travaux ont sensiblement diminué ces dernières années. Résultat : partout à travers le monde existent des banques de données ouvertes à la communauté scientifique et permettant la comparaison entre les agents infectieux émergents et ceux que l'on connaît de plus longue date. Même si énormément reste à faire pour mieux les connaître, tant leurs conditions d'émergence que celles de leur propagation peuvent être étudiées plus aisément et d'une façon plus transparente. Au fond, c'est une sorte de course de vitesse qui se produit. Les agents infectieux migrent plus vite qu'autrefois, les connaissances humaines aussi...

EM : Il faut tout de même rappeler que malgré l'émoi considérable né autour du SRAS en 2003, la pandémie causée par ce coronavirus n'a finalement frappé "que" 8.346 personnes à travers le monde, parmi lesquelles 646 décès. Soit vraiment très peu par rapport aux dizaines de millions de morts liés à la grippe espagnole entre 1918 et 1920...


SV : La grippe espagnole a eu ceci de particulier d'être intervenue dans une sorte de contexte de mondialisation avant la lettre. La Première Guerre mondiale avait en effet déplacé de vastes populations civiles et militaires, passablement affaiblies par le conflit et donc fragilisées sur le plan immunitaire. Le virus était apparu pendant la guerre sous une forme peu virulente qui s'est ensuite avérée nettement plus redoutable. Ce fut le cas particulièrement parmi les hommes jeunes, probablement parce que les personnes plus âgées ont bénéficié d'une immunité héritée d'une exposition antérieure à d'autres virus moins meurtriers. Quant au SRAS, c'est vrai : le coronavirus identifié à l'époque a fait très peur pendant plusieurs mois. L’internationalisation rapide du virus et son caractère "spectaculaire" ont mis brutalement en lumière le potentiel de notre monde moderne pour de tels événements.
Il faut dire qu'on était incapable de le séquencer rapidement. S'il a fait un nombre assez limité de victimes, c'est notamment parce que le pic de symptômes a coïncidé avec le pic de contagiosité, ce qui a facilité son contrôle.

"Que ce soit pour le Sida, Ebola ou le Covid-19, on est confronté à un même souci: la biodiversité est maltraitée"

 https://www.lalibre.be/planete/environnement/francois-gemenne-du-corona-au-climat-je-redoute-tres-fort-l-opportunite-gachee-5e7f7c70d8ad5816317fa0f7


Sabine Verhest LLB, lundi 30 mars 2020


Un loup qui vagabonde sur les pistes de Courchevel, des oiseaux qui chantent dans le ciel d’Orly, des dauphins qui s’aventurent dans le port de Cagliari: à se balader sur les réseaux sociaux, il semble bien que, quand les Hommes ne sont pas là, les animaux dansent. Les photos et vidéos - réelles ou imaginaires (*) - de la revanche de la faune sur les humains confinés sont devenues virales. Comme si l’idée de la renaissance de la nature donnait du sens à l’épreuve que nous traversons; nous rassure sur le fait que la planète se révèle suffisamment forte pour survivre à ce que nous lui faisons subir.

"Attention aux formules quasi religieuses du type: ‘la nature reprend ses droits’ ou ‘la Terre se venge’", avertit cependant François Gemenne, spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement (ULg et SciencesPo). "Ce n’est pas comme ça qu’on va penser rationnellement l’après-crise." Ni réinventer un modèle, soucieux de la nature et de l'interdépendance du vivant.

Confinés, nous nous en émerveillons tous: "Des animaux sont un petit peu moins sous pression des activités humaines. Des oiseaux sont un peu plus tranquilles pour nicher, des mammifères se baladent de manière un petit peu plus libre", constate Philippe Grandcolas, directeur de recherche au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris. "Mais c’est du très court terme, de l’accessoire, qui est charmant, mais qui malheureusement ne va pas durer", rappelle-t-il. "Ce qui m’attriste, c’est qu’on ne laisse aux animaux et aux plantes que des rôles accessoires de décors naturels. Quand on entend parler de biodiversité autour du Covid-19, c’est sur un mode amusant ou distractif. On ne les considère jamais comme des acteurs de nos vies, alors qu’en réalité des questions de biodiversité sont à l’origine du Covid-19."

L'origine animale de l'épidémie

Chauve-souris en soupe, pangolin en steak ou autre, c’est bien un animal sauvage qui est soupçonné d’avoir transmis le coronavirus à l’homme sur un marché de Wuhan. Aussi peut-on "espérer une prise de conscience", poursuit le spécialiste de l’évolution des faunes. On en a déjà vu des signes. La Chine a décidé, le 24 février, d’interdire "complètement" le commerce d’animaux sauvages, d’"abolir la mauvaise habitude de trop (en) consommer et protéger efficacement la santé et la vie de la population", selon les propos officiels. La vente de pangolin, le mammifère le plus braconné au monde, a chuté au Gabon - les acheteurs chinois ont déserté les marchés de Libreville. "Le danger, c’est qu’on encourage la vente sous le manteau", embraie Philippe Grandcolas, "mais on ne peut pas ne rien faire sur le plan réglementaire sous prétexte qu’on crée des trafics"

La consommation de viande de brousse est très ancrée dans la culture et les habitudes de nombreux pays. "Comme chez nous en fait. La différence, c’est qu’en Europe, si l’on chasse des sangliers ou des chevreuils, on ne risque pas grand-chose au plan sanitaire. Si l’on chasse des animaux dans les forêts tropicales, où la biodiversité est beaucoup plus forte, on prend des risques nettement plus importants." Mais, poursuit-il, "je pense qu’il y aura des personnes, y compris des personnes en difficulté matérielle qui doivent se soucier de ce qu’elles mangeront demain, qui se méfieront un peu plus".

Pour autant, "la prise de conscience ne va pas aller jusqu’au bout", pronostique Philippe Grandcolas. L’énergie que les êtres anthropocentriques que nous sommes déploient pour lutter contre la pandémie de Covid-19 dépasse largement celle que nous sommes prêts à mettre pour lutter contre les atteintes à la biodiversité qui, précisément, entraînent des pandémies. "L’empathie qu’on ressent pour les animaux est fonction de la distance évolutive. Or, une majeure partie de la biodiversité (sur les 2 millions d’espèces connues et les probablement 10 millions existantes) n’est pas faite de primates anthropoïdes. On ne s’en soucie donc pas directement."

Il est pourtant urgent d'effectuer des recherches sur l'origine animale de l'épidémie et étudier la chaîne de transmission des coronavirus, insiste le professeur émérite à Sorbonne Université, Didier Sicard. "Ce qui me frappe toujours, c’est l’indifférence au point de départ. Comme si la société ne s’intéressait qu’au point d’arrivée: le vaccin, les traitements, la réanimation", explique ce spécialiste des maladies infectieuses, sur France Culture. "Mais pour que cela ne recommence pas, il faudrait considérer que le point de départ est vital. Or c’est impressionnant de voir à quel point on le néglige. L’indifférence aux marchés d’animaux sauvages dans le monde est dramatique."
Il s’agit aussi, selon Philippe Grandcolas, de réaliser que la biodiversité ne se résume pas aux pays du Sud, à l’Amazonie défrichée, à l’Australie en feu, à l’Afrique ou l’Asie où l’on mange (à nos yeux) de drôles de bêtes. "La biodiversité est partout et l’on aurait tous besoin de se comporter mieux avec elle", insiste-t-il. "Nous-mêmes, en Europe, avons des problèmes de ce type dont on ne parle pas. En France, on tue chaque année, sur arrêtés préfectoraux, plus d’un million de renards, qui sont considérés comme nuisibles. On ne maîtrise donc pas correctement la population de rongeurs qui participent à l’expansion de la maladie de Lyme."

La crise sanitaire que nous traversons doit être l’occasion de "comprendre que ce scénario peut recommencer", insiste Philippe Grandcolas. Que ce soit pour le Sida, Ebola ou le Covid-19, "on est toujours confronté à un même souci, qui est notre mauvaise relation à la biodiversité. Sans cette explication, un bon comportement n’émergera pas de manière générale, en aucun cas".
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(*) Les images animalières, des centaines de milliers de fois partagées, ne témoignent pas toutes de la réalité, comme le rapporte le National Geographic. Voir des cygnes voguer près de Venise n’a rien d’anormal. Aucun dauphin n'est parti visiter les canaux (vraiment limpides) de la cité des Doges. Et les éléphants qui s’enivrent d’alcool de maïs avant de s’endormir dans une plantation de thé du Yunnan sont aussi réels que leurs roses congénères de la Delirium Tremens.

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François Gemenne: du coronavirus au climat, "je redoute très fort l’opportunité gâchée"


Sabine Verhest, LLB, publié le lundi 30 mars

© NASA
Le confinement a du bon. L’arrêt des usines, la baisse du trafic aérien et routier, la chute de la consommation se sont accompagnés d’une diminution nette de la pollution. Les images de la Nasa l’ont clairement montré au-dessus de la Chine. De même, "la chute des émissions de dioxyde de carbone au-dessus de la plaine du Pô dans le nord de l’Italie est particulièrement évidente" , remarque Claus Zehner, de l’Agence spatiale européenne. En termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, 2020 sera vraisemblablement une année où la qualité de l'air s'est sensiblement améliorée.

 Le nombre de vies épargnées grâce à la baisse de la pollution atmosphérique sera-t-il supérieur au nombre de vies perdues à cause du coronavirus ? Il est trop tôt pour l'affirmer. Selon l’Agence européenne de l’environnement , le dioxyde d’azote est responsable de 68.000 décès prématurés par an dans l’Union (dont 1.600 en Belgique). Le Covid-19 a emporté plus de 20.000 Européens jusqu'à ce jour. Quant aux chiffres chinois de morts du coronavirus, ils sont vraisemblablement sous-évalués . 
Au rayon des tendances positives, "un certain nombre d’habitudes prises pendant le confinement pourraient perdurer par la suite, par exemple davantage de recours au télétravail ou une limitation des déplacements inutiles" , relève François Gemenne, spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement (ULg et SciencesPo) et membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. "Des mesures bénéficieront sur le long terme à la santé publique également, comme l’habitude de se laver les mains."

L'idée d'une taxe carbone 


L’occasion est belle, aussi et surtout, d’oser une véritable transition écologique. Selon Glen Peters, du Centre de recherche internationale sur le climat et l’environnement d’Oslo, "nous avons là une opportunité d’investir de l’argent dans des changements structurels, qui pourront réduire les émissions après la reprise de la croissance économique, en développant notamment des technologies propres" . Pour le climatologue Jean-Pascal van Ypersele, "c’est le bon moment pour instaurer une vraie taxe CO2 sur les carburants, le mazout et le gaz fossile ! Leur prix ayant fortement baissé, ce sera indolore. Cela permettra de dégager des ressources pour compenser les effets de la crise" , dit-il, à l’adresse des "gouvernements (qui) cherchent des ressources pour financer une relance économique après le Covid-19" .

"Il y a effectivement une opportunité fantastique aujourd’hui" , pense François Gemenne, "mais je crains fort que ce ne soit pas la voie dans laquelle les gouvernements se dirigent" .

Le branle-bas de combat pour freiner la pandémie montre que les gouvernements peuvent prendre des mesures urgentes, radicales et même très coûteuses pour l’économie face à un danger immédiat. "Mais le risque est de donner aux gens l’impression que, pour lutter contre le changement climatique, il faut mettre l’économie à l’arrêt. Je crains beaucoup que, une fois la crise passée, les gens rejettent massivement toute mesure contraignante sur le mode: ‘on a déjà donné pour le coronavirus, on ne va pas en reprendre une couche pour le changement climatique’."

On risque dès lors plutôt de voir un effet de rebond très fort de la consommation, des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution à la sortie de la crise sanitaire, encouragé, qui plus est, par des plans de relance massifs favorisant les industries fossiles, comme on en voit déjà au Canada et aux États-Unis. "La tentation sera grande, pour les gouvernements, de remettre une pièce dans la machine d’avant plutôt que d’essayer d’inventer une nouvelle machine qu’on n’aura pas eu le temps d’inventer. Je redoute très fort l’opportunité gâchée."

Finalement, "l’effet positif de long terme le plus significatif pour le climat et pour l’environnement serait de faire élire un Démocrate en novembre à l’élection présidentielle américaine” , pense François Gemenne.

“C’est globalement l’état de l’économie américaine qui est le facteur-clé, historiquement, dans cette élection et qui porte Donald Trump très haut aujourd’hui. Malgré le plan gigantesque qui vient d’être voté par le Congrès mardi, il y aura quand même un ralentissement de l’économie américaine et un taux de chômage plus important qui pourraient lui coûter l’élection, même s’il y a pour le moment 60 % d’Américains qui approuvent sa gestion de la crise du coronavirus et l’idée de relancer l’économie plutôt que de sauver des Américains.”

Le changement climatique, une transformation irréversible

Un Démocrate à la Maison-Blanche permettrait sans doute de redonner des couleurs à la lutte contre le changement climatique, dont l'urgence, réelle, apparaît moins clairement que celle de la "guerre" (comme dit Emmanuel Macron) contre la propagation du coronavirus. Il s'agit pourtant d’une transformation irréversible, contre laquelle on ne trouvera aucun vaccin.

Comparer les deux crises et leur prescrire les mêmes remèdes n’apparaît dès lors pas relevant à François Gemenne. Les pays les plus touchés par le coronavirus sont actuellement des pays industrialisés, au sein desquels personne n’est épargné, ni les plus riches, ni les célébrités d’Hollywood, ni les sportifs de haut niveau ni les chefs d’État et de gouvernement. "On a donc une certaine impression de proximité et d’immédiateté face à la menace du coronavirus" , note le professeur. Le changement climatique, en revanche, "touche en premier lieu les plus pauvres et les pays du Sud. On a l’impression qu’il arrivera d’abord aux autres. C’est une différence tout à fait fondamentale" .

Les efforts que nous sommes prêts à (ou contraints de) faire en cette période de confinement ne sont acceptables de surcroît que parce qu’ils sont temporaires. "Nous avons un désir de retour à la normale le plus rapide possible" et, redoute François Gemenne, "ce retour à la normale sera un retour vers le passé plutôt qu’une projection vers le futur ou l’invention d’une nouvelle normale, une normale post-carbone" .

25 mars 2020

Coronavirus en Afrique : « Ce n’est que le vent avant une probable tempête »


Largement épargné jusqu’ici par l’épidémie de coronavirus qui submerge le reste de la planète, le continent africain enregistre de plus en plus de cas. Entretien avec le Dr Michel Yao, responsable des opérations d’urgence de l’OMS en Afrique.

Nouvel Obs, publié le 15 mars 2020 - Sarah Diffalah


L’Afrique se prépare au pire. Lentement, le Covid-19 fait son chemin aux quatre coins du continent. L’épidémie qui submerge le reste de la planète a fait son apparition ces derniers jours, notamment au Gabon, au Ghana, en Guinée, au Kenya et en Ethiopie. Quelque 200 contaminations par le virus ont été officiellement recensées samedi matin -- dont six décès -- dans une dizaine de pays selon les autorités. En février, l’OMS (Organisation mondiale pour la Santé) s’inquiétait de la faiblesse des systèmes de santé du continent en cas de contamination massive. Entretien avec le Dr Michel Yao, responsable des opérations d’urgence de l’OMS en Afrique.

Quelle est la situation aujourd’hui sur le continent africain ? 

Il y a des foyers locaux, qu’on appelle « clusters », dans certains pays comme l’Algérie, le Sénégal ou l’Afrique du Sud. En dehors de cela, ce sont des cas sporadiques et principalement « importés » de zones où la propagation est beaucoup plus forte. Si l’on compare au reste du monde, l’Afrique est encore, selon les pays, dans la phase de confinement, celle qui consiste à empêcher le virus d’entrer dans le territoire, à détecter tous ceux qui pourraient introduire la maladie et à isoler les « clusters ». Si on passait à l’étape suivante, l’Afrique serait vite dépassée. Ce n’est que le vent avant une probable tempête ; il est nécessaire de renforcer la préparation pour un scénario qui verrait la situation empirer.

https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200315.OBS26070/coronavirus-en-afrique-ce-n-est-que-le-vent-avant-une-probable-tempete.html

Contre les pandémies, l’écologie


D’où viennent les coronavirus ?

Sonia Shah
Journaliste. Auteure de Pandemic : Tracking Contagions, From Cholera to Ebola and Beyond, Sarah Crichton Books, New York, 2016, et de The Next Great Migration : The Beauty and Terror of Life on the Move, Bloomsbury Publishing, Londres, à paraître en juin 2020. Ce texte a été publié dans The Nation.


Le Monde diplomatique, mardi 17 mars 2020

"N’est-il pas temps de se demander pourquoi les pandémies se succèdent à un rythme de plus en plus soutenu ?
Serait-ce un pangolin ? Une chauve-souris ? Ou même un serpent, comme on a pu l’entendre un temps avant que cela ne soit démenti ? C’est à qui sera le premier à incriminer l’animal sauvage à l’origine de ce coronavirus, officiellement appelé SRAS-CoV-2 (1) dont le piège s’est refermé sur plusieurs centaines de millions de personnes, placées en quarantaine ou retranchées derrière des cordons sanitaires en Chine et dans d’autres pays. S’il est primordial d’élucider ce mystère, de telles spéculations nous empêchent de voir que notre vulnérabilité croissante face aux pandémies a une cause plus profonde : la destruction accélérée des habitats.
Depuis 1940, des centaines de microbes pathogènes sont apparus ou réapparus dans des régions où, parfois, ils n’avaient jamais été observés auparavant. C’est le cas du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), d’Ebola en Afrique de l’Ouest, ou encore de Zika sur le continent américain. La majorité d’entre eux (60 %) sont d’origine animale. Certains proviennent d’animaux domestiques ou d’élevage, mais la plupart (plus des deux tiers) sont issus d’animaux sauvages.
Or ces derniers n’y sont pour rien. En dépit des articles qui, photographies à l’appui, désignent la faune sauvage comme le point de départ d’épidémies dévastatrices. il est faux de croire que ces animaux sont particulièrement infestés d’agents pathogènes mortels prêts à nous contaminer. En réalité, la plus grande partie de leurs microbes vivent en eux sans leur faire aucun mal. Le problème est ailleurs : avec la déforestation, l’urbanisation et l’industrialisation effrénées, nous avons offert à ces microbes des moyens d’arriver jusqu’au corps humain et de s’adapter.
La destruction des habitats menace d’extinction quantité d’espèces. parmi lesquelles des plantes médicinales et des animaux sur lesquels notre pharmacopée a toujours reposé. Quant à celles qui survivent, elles n’ont d’autre choix que de se rabattre sur les portions d’habitat réduites que leur laissent les implantations humaines.


(1) Et non pas Covid-19, qui est le nom de la maladie

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Coronavirus: "Nous créons nous-mêmes les foyers de contamination"

Valentin Dauchot
LLB, lundi 23 mars 2020


Depuis 60 ans, notre société ne fait qu'accélérer. Que voit-on accélérer en parallèle? Le nombre d'épidémies.

 
Covid-19 n’est pas le nom du virus que tout le monde cherche à fuir depuis des semaines. Il s’agit de la maladie provoquée par ledit virus qui répond, lui, au doux nom de SARS-CoV-2. Le voilà, l’ennemi public numéro un, troisième enfant de la méchante famille coronavirus, dont les deux premiers rejetons avaient déjà tenté d’anéantir une partie de l’humanité en 2002 (Sras) et 2012 (Mers). L’arrivée du cadet revanchard ou d’un petit-cousin hargneux était-elle prévisible ? Oui, mais pas pour les raisons qui nous viennent immédiatement à l’esprit.

D’un point de vue scientifique, difficile de dresser l’équivalent d’un tableau périodique des virus. "Il y en a des centaines de milliers et ils se renouvellent constamment, ce qui génère sans arrêt l’arrivée de nouveaux virus ou de variants", explique Eric Leroy, virologue à l’Institut français de recherche et de développement (IRD). "Chaque animal, dont l’homme, héberge de manière asymptomatique des centaines, voire des milliers de virus. À un moment donné, à la faveur de mutations, ces virus deviennent pathogènes et peuvent se transmettre à d’autres espèces." Bien que des tentatives aient déjà été entreprises pour recenser les virus inconnus, "90 % des virus que l’on connaît bien le sont parce qu’ils ont été responsables de maladies", poursuit Eric Leroy. "Compte tenu de l’ampleur de la question, il est assez logique qu’on s’intéresse en priorité aux maladies infectieuses qui s’expriment cliniquement chez l’homme ou l’animal." Le SARS-CoV-2 existe sans doute depuis des dizaines d’années à l’intérieur de son hôte naturel (la chauve-souris), mais on ne le connaissait pas, parce que nous n’y avions jamais été confrontés par le passé.
 
Détection et traitements plus rapides

Les scientifiques n’ont-ils donc rien appris du Sras et du Mers ? Bien sûr que si, "notre état de connaissance est même remarquable" estime Serge Morand, chercheur au CNRS, et spécialiste de l’écologie parasitaire. "Lors de l’émergence des premiers Hantavirus, pendant la guerre de Corée (1950-1953), il avait fallu attendre quinze ans avant de pouvoir les caractériser ; soit le fait de mettre les virus en culture pour les étudier, et développer la sérologie nécessaire à la création d’outils de détection et de traitement. Ici, les choses se sont faites pratiquement en temps réel. On a très vite identifié l’agent pathogène, diagnostiqué la maladie, et une trentaine d’essais vaccinaux sont déjà en cours à l’échelle planétaire." Il s’agit désormais de finaliser la conception d’un vaccin, se pencher en détail sur la famille coronavirus, et identifier avec précision le parcours du SARS-CoV-2 pour attaquer le problème à la racine.

Cela nous permettra-t-il de dire où, quand et comment aura lieu la prochaine pandémie ? Non. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’il y en aura d’autres. Car les facteurs qui favorisent l’émergence et le développement de ces pandémies sont bien connus. Et à ce niveau, le constat est nettement plus accablant pour les pauvres humains que nous sommes.

L’élevage intensif, foyer idéal

Comme vous le savez désormais, la majeure partie des virus est asymptomatique. L’émergence d’une transmission suivie d’une éventuelle épidémie reste - en théorie - un événement rare. À un léger détail près : nous créons de nous-mêmes les conditions optimales pour faciliter une transmission de l’animal à l’homme, suivie d’une contamination à grande échelle.

"Qu’observe-t-on si on regarde les 60 dernières années ? interroge Serge Morand. Une accélération globale de notre système à tous les niveaux : démographie, production, empreinte écologique… Et que voit-on s’accélérer en parallèle ? Le nombre d’épidémies. Il y a de plus en plus d’épidémies, issues de maladies différentes, partagées par plusieurs pays en même temps. Et cela va de pair avec une accélération inouïe de l’élevage, notamment l’élevage industriel."

Les scientifiques ont identifié depuis longtemps les éléments qui favorisent une contamination initiale. Les fameux foyers d’émergence sont toujours des lieux de grande biodiversité animale, végétale, et de forte densité humaine. "La première question à poser est : qui nous transmet ces maladies ? poursuit le chercheur en écologie parasitaire. Les primates, les rongeurs, et plus récemment les chauves-souris. Lorsqu’on analyse les transmissions récentes, on constate toutefois que le rôle joué par les animaux domestiques reste absolument essentiel. Les vaches, cochons, poulets servent de bases à l’endémisation des virus grippaux, avant leur transmission à l’homme. Or, aujourd’hui, le poids total des bovins sur la planète est à tout instant plus élevé que celui des humains. On dénombre en permanence vingt-cinq milliards de poulets sur terre. Et ce ne sont pas les seuls concernés. On sait, par exemple, que le Sras s’est transmis à l’homme par l’intermédiaire de la civette. Et que constate-t-on ? Que lors des années précédant la contamination, les élevages de civettes ont été multipliés par cinq."

Une fois que le virus entre, c’est terminé

"La tendance est par ailleurs à la mise en place de gigantesques zones d’élevage ultra-sécurisées, poursuit Serge Morand. On y regroupe des dizaines de milliers de cochons, poulets ou bovins aux propriétés génétiques uniformisées, qui sont ensuite exportés aux quatre coins du globe. Tant que rien ne rentre dans ces élevages, pas de problème. Mais on sait que c’est impossible. Une fois que le virus y pénètre, il s’adapte, une quantité phénoménale d’animaux est contaminée, et comme ils ont tous des structures génétiques similaires, cette transmission est facilitée. Le virus H1N1 est sorti comme ça, d’une gigantesque exploitation porcine." Pas de virus, pas de problème nous direz-vous. Mais un autre élément essentiel entre en jeu : la destruction d’une part toujours plus importante de l’habitat naturel des espèces, via la déforestation notamment, qui favorise leur déplacement et leur relocalisation dans des lieux où elles n’étaient pas présentes. Lieux où ces espèces trouvent plein de nouveaux petits camarades de jeu.
 
Chaque pandémie est une alerte pour l’Homme

"Prenons l’exemple de Bornéo en Malaisie, ou Sumatra en Indonésie, lance le chercheur français. Ces îles ont été complètement déforestées par la mise en place de cultures de palmiers à huile, au détriment de forêts et de systèmes agricoles diversifiés. Les feux de forêt utilisés pour ‘nettoyer’ ces zones ont totalement détruit l’habitat naturel des chauves-souris qui ont dû quitter leur milieu naturel. Résultat ? On les a retrouvées sur d’autres îles de la péninsule malaise, à proximité d’élevages intensifs de cochons destinés au marché de Singapour. En 1998, ces cochons ont commencé à mourir en quantité, sans que l’on comprenne ce qui se passe. Les humains ont suivi. Certains de ces cochons étaient déjà partis vers le marché singapourien, où des membres du personnel des abattoirs sont morts à leur tour. Voilà, vous avez votre cycle, et c’est loin d’être un cas isolé. Ces pandémies ne sont plus des événements probables, ce sont des événements certains, puisque nous en créons nous-mêmes les lieux d’émergence. C’est notre vision globalisée et simplifiée du monde qui nous plonge dans des crises systémiques. On déstabilise tout, et cela engendre des contacts entre espèces initialement improbables."
 
La question finale est assez claire selon Serge Morand :"Comment recréer une économie qui met l’humain et la santé au centre du jeu, en lieu et place de la santé des marchés financiers." Chaque nouvelle pandémie nous fait passer un message clair qui semble inlassablement répéter la même chose : un jour, un virus particulièrement létal, virulent et difficilement détectable va tous vous éradiquer. Et vous ne pourrez pas dire que vous n’étiez pas prévenus.

(Note. C'est moi qui me suis permis de souligner en brun. MS)

Cuba à l’assaut du coronavirus


Comme hier face à l’ébola, l’île a proposé son aide aux pays en difficulté face au covid-19, malgré une situation économique précaire depuis le renforcement des sanction étasuniennes ces deux dernières années.
L’arrivée de médecins cubains en Lombardie symbolise cette politique constante de solidarité médicale.

Symbole de cette solidarité cubaine, l’arrivée d’une brigade de médecins et d’infirmiers cubains ce weekend en Lombardie, faisant suite à la demande formulée par les autorités de la région dont le système sanitaire est en plein collapse.
Médecins et infirmiers cubains arrivés en Lombardie. Keystone

«La patrie, c’est l’humanité», écrivait l’indépendantiste cubain José Marti au XIXe siècle. Près d’un siècle et demi plus tard, force est de constater que les autorités du pays suivent ce précepte. En 2014, Cuba avait déjà prouvé son altruisme lors de la bataille contre l’ébola en Afrique occidentale, avec l’envoi de 256 de ses médecins. Dans les années 1980, après la catastrophe de Tchernobyl, un chiffre record d’enfants ukrainiens malades avait été accueilli et réhabilité dans l’île. Mais cette tradition humaniste date des premières années de la révolution cubaine. En 1963, l’Algérie avait bénéficié la première de cette coopération internationaliste. Depuis, selon les chiffres officiels, plus de 400000 «soldats en blouse blanche» ont prêté service dans 164 pays d’Afrique, d’Amérique, du Moyen-Orient et d’Asie.

A la rescousse de l’Italie

A cette longue liste s’ajoute aujourd’hui l’Europe. Face à la dramatique congestion de son système de santé, la région italienne de la Lombardie a en effet fait appel au gouvernement cubain. La réponse favorable de ce dernier a donné lieu à l’arrivée ce weekend d’une cinquantaine de médecins et d’infirmiers cubains venant rejoindre les brigades chinoises déjà envoyées en renfort la semaine passée. Armés de l’antiviral Interféron Alfa 2b, dont la technologie est cubaine et la production chinoise, ils espèrent contribuer à faire fléchir la pandémie dans la région la plus affectée d’Italie.
Le conseiller sanitaire Giulio Gallera a informé que ce contingent cubain complétera les rangs de l’hôpital de Crema. Le président de Lombardie Attilio Fontana a pour sa part précisé que l’annonce de l’arrivée de ces médecins cubains et chinois a été déterminante dans la décision de reprendre la construction du nouvel hôpital de Bergame (la province lombarde où le covid-19 fait le plus de victimes). «Construire une cathédrale dans le désert était inutile», a-t-il expliqué en se référant à la préalable mise en suspens du chantier pour manque de personnel. Relevons que la Chine a promis l’envoi de davantage d’experts et de médecins.
A part l’Italie, d’autres pays comptent depuis la semaine passée sur du personnel de santé cubain pour contrer le covid-19. Des virologues, microbiologistes et spécialistes en soins intensifs ont été dépêchés au Venezuela (également fortement sanctionné par le blocus étasunien) mais aussi au Surinam, la Jamaïque, la Grenade et le Nicaragua. Selon certaines sources, l’Espagne pourrait elle aussi avoir recours aux services cubains à l’aune de la crise sanitaire qui l’occupe. «En tout, plus de 25’000 médecins cubains présents dans trente-trois pays affectés par le covid-19 travaillent sous l’orientation des autorités locales de santé», relève Pedro Luis Pedroso, ambassadeur de Cuba devant les Nations unies à Genève. Il souligne que cette coopération n’a pas de motifs commerciaux, mais humanistes. Tandis que les pays qui en ont les moyens rétribuent ces prestations, elles sont entièrement ou partiellement gratuites pour ceux qui se trouvent dans une situation financière défavorable.

Biotechnologie sous embargo

En Chine, il n’a pas fallu attendre l’épidémie de covid-19 pour qu’une coopération dans le secteur biotechnologie et pharmaceutique se développe avec Cuba1. Depuis quinze ans maintenant, des dizaines de recherches, d’échanges et d’investissements conjoints ont été réalisés, notamment dans la production et commercialisation de médicaments et d’équipements. L’Interferón Alfa 2b humain, commercialisé depuis trois décades sous le nom d’HeberonRAlfaR ou IFNrec, est un exemple éloquent de cette collaboration. La technologie de ce reconstituant a été transférée il y a quelques années par le Centre d’ingénierie génétique de Cuba (CIGB) à l’entreprise sino-cubaine Changchun Heber Biological Technology, située au nord-est de la Chine.
S’il ne s’agit pas d’un médicament préventif, cet antiviral utilisé en Chine contre le coronavirus est aussi efficace contre certains cancers et hépatites, car il contribue à renforcer l’immunité tout en réduisant les processus infectieux. Aux dires des autorités chinoises, il aurait grandement contribué à freiner les effets graves du covid-19 dans ce premier pays touché par l’épidémie, en participant à la guérison de plus de 1500 malades.
Quelque 113 pays auraient déjà sollicité aux autorités cubaines l’envoi dudit remède. En Italie, un décret a été adopté pour demander à l’Agence nationale du médicament AIFA d’accélérer l’autorisation de mise sur le marché de l’Interféron Alpha 2b. Le député André Chassaigne a pour sa part suggéré au ministre de la Santé français d’envisager une coopération médicale bilatérale entre les deux pays, portant à la fois sur l’accueil de médecins cubains et sur l’utilisation en France de l’interféron Alfa 2b. Il précise que «le blocus des Etats-Unis sur Cuba, contraire au droit international, ne peut en aucun cas affecter la collaboration médicale franco-cubaine, d’autant plus que les Conventions de Genève interdisent tout embargo de médicaments».

Contactée par notre rédaction, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a expliqué que l’effectivité de l’Interféron est actuellement testée, tout comme celle d’autres médicaments. Pendant ce temps, à Cuba, la recherche d’un vaccin contre le covid-19 occupe actuellement un grand nombre de scientifiques nationaux.

La santé, un droit humain

(...)
«Il est temps de comprendre la santé comme un droit humain et de renforcer la coopération internationale. Ce défi posé par le Coronavirus exige le concours de toute l’humanité, sans distinction», a allégué le ministre des Relations extérieures de la République de Cuba.

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Voir aussi https://lecourrier.ch/2017/11/17/derriere-le-miracle-sanitaire-cubain-2/

{{SOLIDARITÉ
Derrière le miracle sanitaire cubain}}

L’association mediCuba Suisse se démène depuis vingt-cinq ans en appui au modèle de santé cubain. Mais son succès réside d’abord dans l’ingéniosité et l’investissement locaux.

{(Le Courrier, vendredi 17 nov. 2017 Benito PEREZ)}
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P.-S.
Le Courrier est un des seuls quotidiens indépendants et engagés de Suisse romande.Retour ligne automatique
Il est édité à Genève par une association sans but lucratif, la Nouvelle Association du Courrier (NAC).Retour ligne automatique
Créée en 1978, la Nouvelle Association du Courrier est aujourd’hui composée de 26 associations, très diverses aussi bien en taille qu’en domaine d’activité, motivées par la Charte rédactionnelle et la ligne éditoriale du Courrier.

Coronavirus: Une équipe de médecins cubains en renfort en Italie


LA HAVANE (Reuters) - 23 mars 2020
Cuba a dépêché pour la première fois ce week-end une équipe de médecins et d'infirmiers en Italie afin qu'ils contribuent à la lutte contre le coronavirus à la demande de la Lombardie, région du nord du pays la plus affectée par l'épidémie.
Depuis sa révolution de 1959, l'île communiste a pris pour habitude d'envoyer ses "armées de blouses blanches" sur des lieux de sinistre à travers le monde, principalement dans les pays pauvres - à Haïti face à l'épidémie de choléra, en Afrique de l'Ouest contre l'épidémie d'Ebola dans les années 2010.
Jamais La Havane n'avait jusqu'alors envoyé une équipe médicale en Italie, l'un des pays les plus développés au monde, démontrant sa portée diplomatique en la matière.
Il s'agit du sixième pays - Venezuela, Nicaragua, Jamaïque, Suriname et Grenade - où Cuba a dépêché des soutiens médicaux depuis que l'épidémie du nouveau coronavirus s'est propagée après s'être déclarée en Chine en décembre dernier.
"Nous avons tous peur mais nous avons un devoir révolutionnaire à remplir, alors nous mettons la peur de côté", a dit Leonardo Fernandez, spécialiste en soins intensifs qui est l'un des 52 membres de l'équipe médicale envoyée en Italie.
S'exprimant samedi peu avant son départ de La Havane, il a indiqué à Reuters qu'il s'agissait là de sa huitième mission internationale, après notamment une mission au Liberia durant la lutte contre le virus Ebola.
Les autorités sanitaires de Lombardie, qui ont demandé de l'assistance médicale, ont rapporté samedi que le bilan dans la région du nord de l'Italie s'était alourdi à 3.095 décès, soit 546 de plus que la veille.
(Nelson Acosta; version française Jean Terzian)

https://www.msn.com/fr-ca/meteo/other/coronavirus-une-%C3%A9quipe-de-m%C3%A9decins-cubains-en-renfort-en-italie/ar-BB11x5Kt

Alors m'est venue une question :
Les médecins que Cuba envoie en Italie vont-ils utiliser là-bas l'Interferon Alfa 2B qu'ils ont développé et qu'ils produisent dans une usine cubano-chinoise, comme renforceur du système immunitaire comme cela a été fait en Chine ?


Cette question soulève plein de questions à vérifier. Ce que j'ai commencé à faire.
Et pour cela, je vous invite à me suivre dans quelques autres articles que je vais mettre sur mon blog.

D'abord, savoir que les médecins cubain qui étaient nombreux au Brésil sont partis, ne s'étant pas entendu avec Bolsonaro (On les comprend !)
Voir la vidéo: https://larcenciel-msimonis.blogspot.com/2020/03/les-medecins-cubains-quittent-le-bresil.html

Ensuite l'interféron.
Voir les extraits en traduction d'un article très intéressant et très complet, en anglais : https://larcenciel-msimonis.blogspot.com/2020/03/le-celebre-interferon-cubain-contre-le.html

Et aussi un autre article plus synthétique sur l'interféron cubain et le coronavirus : https://larcenciel-msimonis.blogspot.com/2020/03/les-vertus-de-linterferon-cubain.html

24 mars 2020

Nouveau coronavirus: réalité et incertitudes


 https://youtu.be/-tqQzQSKiEg

Une vidéo du Pr Laurent Kaiser, médecin-chef du Service des maladies infectieuses aux Hopitaux Universitaires de Genève.



Le Pr Laurent Kaiser, médecin-chef du Service des maladies infectieuses, fait le point entre réalité et incertitudes, le mardi 28 janvier 2020 lors du colloque hebdomadaire de médecine interne aux HUG (Hopitaux Universitaires de Genève) est consacré au nouveau coronavirus.

Note 1.
Les 25 premières minutes de cette vidéo sont intéressantes pour tous les publics. Cela vaut le coup de regarder la vidéo jusque là. Ensuite, l’exposé donne surtout des informations médicales, à destination des médecins.

Note 2 (pour la Suisse)
Le site www.hug.ch/coronavirus vous informe et vous permet d'évaluer rapidement votre risque et savoir que faire si vous présentez des symptômes respiratoires aigus d'apparition récente tels que toux, rhume ou fièvre. Cet outil d'évaluation ne concerne que les adultes. En répondant à quelques questions, vous obtiendrez des recommandations qui correspondent aux mesures appliquées aux HUG en lien avec la maladie Covid-19 (plus d'info https://www.hug-ge.ch/site/coronacheck).

Professeur Laurent Kaiser




Le célèbre interféron cubain contre le coronavirus SRAS-CoV-2

De nombreux lecteurs américains nous ont demandé si l'interféron produit par Cuba pouvait être exporté vers les États-Unis. La réponse est oui, il pourrait l’être.

Tahimi Arboleya par Tahimi Arboleya

18 mars 2020
à Cuba


Extraits de l'article original en anglais :
https://oncubanews.com/en/cuba/the-famous-cuban-interferon-vs-the-sars-cov-2-coronavirus/

• Mais qu'est-ce que l'interféron (IFN) et comment comprendre son rôle éventuel dans la lutte contre ce virus ?

(…)
L'interféron a été décrit pour la première fois en 1957 par Isaacs et Lindenmann du National Institute for Medical Research de Londres. Il doit son nom à la découverte qu'ils étaient capables d'"interférer" dans la réplication virale. [1]

Les interférons produits par les cellules humaines ont été divisés en trois groupes : alpha, bêta et gamma.

Ils ont ces fonctions principales : d'une part, ils empêchent les virus de se répliquer (puisqu'ils activent la production de molécules qui inhibent la réplication virale) et, d'autre part, ils activent l'action d'autres cellules immunitaires dont la fonction est d'éliminer les "mauvaises" cellules (telles que les cellules infectées par un virus, les cellules bactériennes ou les cellules tumorales).

Dans une interview réalisée par la chaîne Cubavisión Internacional avec le Dr Gerardo Guillén, directeur de la recherche biomédicale au Centre de génie génétique et de biotechnologie (CIGB), le scientifique cubain a déclaré "L'interféron participe à la régulation du système immunitaire, à la fois dans ce qui fait partie de l'immunité innée et acquise", c'est-à-dire qu'il fait partie de cette première immunité, plus générale, ainsi que de la plus spécifique dans certains cas.

• Interféron alfa-2B cubain (commercialisé sous le nom de Heberon® Alfa R)

En 1981, le président cubain de l'époque, Fidel Castro, qui avait favorisé l'émergence d'instituts de recherche médicale à Cuba, a rencontré à La Havane le médecin américain Randolph Lee Clark. À cette occasion, le médecin lui a parlé d'un nouveau traitement (à base d'interféron) qui était en cours de développement dans l'hôpital qu'il dirigeait au Texas en tant que nouvelle thérapie contre le cancer. Cette rencontre a donné lieu à la formation de scientifiques cubains, d'abord avec le docteur Lee Clark au Texas et, plus tard, avec le professeur Kari Kantel à Helsinki, où l'interféron utilisé par le médecin américain était en cours de production.

À leur retour à Cuba, en très peu de temps, dans une maison aménagée en petit laboratoire, le 28 mai 1981, les scientifiques de l'île ont produit le premier interféron cubain. Cet interféron était un leucocyte, c'est-à-dire qu'il était produit à partir de leucocytes (les fameux globules blancs) obtenus par des dons de sang.

Cet IFN leucocytaire cubain a été utilisé avec succès dans l'épidémie de dengue hémorragique survenue à Cuba en 1981 et qui, selon les scientifiques cubains, a été introduite sur l'île, ainsi que dans l'épidémie de conjonctivite hémorragique.

Toutefois, ce nouveau médicament avait l'inconvénient de ne pas pouvoir être produit à grande échelle. Des recherches ont alors été menées qui ont permis de produire l'interféron alfa-2B humain recombinant à Cuba pour la première fois en 1986.

Le Dr Luis Herrera Martínez, l'un des créateurs de l'interféron recombinant cubain, a déclaré

"Nous avons cloné l'interféron à base de bactéries, dans un fermenteur, et nous avons obtenu un produit homogène, pur à plus de 99%, avec la satisfaction d'avoir réussi à produire l'interféron le plus utilisé dans les traitements. Le leucocyte était minoritaire à long terme, car la quantité qui peut être produite dépend beaucoup des cellules - qui ne produisent pas autant d'interféron - et des dons de sang. Cependant, celui produit dans les bactéries est obtenu de manière illimitée".

L'efficacité de l'interféron alfa-2B humain recombinant cubain a été démontrée dans un large éventail de maladies. Principalement pour l'infection causée par les virus de l'hépatite B et C, suivie de différentes manifestations du papillomavirus humain et du virus de l'herpès simplex. (…)

L'effet antiviral de l'interféron alfa a été scientifiquement prouvé, dans le cadre de la première ligne de défense antivirale, en activant à la fois la réponse immunitaire innée contre le virus et le mécanisme d'inhibition de la réplication virale.

• L’interféron alfa-2B cubain et le coronavirus

Il a été signalé que, loin d'augmenter naturellement la production d'interféron dans l'organisme contre l'infection (comme il le fait contre d'autres agents pathogènes), le SRAS-CoV la réduit. Produire moins d'interféron favorise la propagation rapide de l'infection et limite l'efficacité du système immunitaire à combattre le virus.

L'interféron est connu pour stimuler les gènes qui produisent les enzymes de l'ARN viral, qui sont responsables de la destruction de l'ARN de certains virus. Le SRAS-CoV-2 est un virus à ARN. Il semble donc logique de fournir de l'interféron pour combattre ce virus.
Ce que l'on sait de l'IFN alfa-2B produit par la coentreprise cubano-chinoise Changheber dans l'actuelle épidémie de coronavirus, c'est qu'il a été utilisé en nébulisation et combiné avec d'autres antiviraux.

Les scientifiques recommandent toutefois la prudence dans l'utilisation de l'IFN car les résultats des études cliniques montrent qu'il peut provoquer des réactions indésirables chez certains patients. [5]

Ces preuves et des études antérieures suggèrent l'utilité possible de l'interféron alfa-2B à titre préventif et aux tout premiers stades de l'infection. Tout semble indiquer que s'il est administré au début de l'infection ou comme médicament préventif, il a des résultats positifs, les résultats de son utilisation pour l'infection la plus avancée ne sont pas encore concluants.

Cuba n'est pas le seul producteur mondial d’interférons. (…)
Toutefois, cet interféron cubain n'est pas spécifiquement combiné, de sorte qu'il peut également être utilisé par les voies respiratoires par nébulisation comme il a été utilisé en Chine "parce qu'il est un moyen rapide d'atteindre les poumons et agit au stade précoce de l'infection", a déclaré le Dr Eduardo Martínez Díaz, président du groupe des industries biotechnologiques et pharmaceutiques (BioCubaFarma).

 L'interféron recombinant cubain n'est pas le remède contre les coronavirus, mais selon les études connues, il pourrait être efficace dans le traitement de la maladie à ses débuts et surtout dans la prévention.

De nombreux lecteurs américains nous ont demandé si l'interféron produit par Cuba pouvait être exporté vers les États-Unis. Oui, c'est possible. Au début des années 60, le gouvernement américain a imposé à Cuba un embargo commercial qui interdit l'exportation des productions cubaines vers les États-Unis et que Cuba, à son tour, importe celles produites aux États-Unis. Cependant, dans le cadre des mesures prises par l'administration Obama pour assouplir ledit embargo et s'orienter vers une normalisation des relations entre les deux pays, en octobre 2016, le Bureau de contrôle des avoirs étrangers (OFAC) du Département du Trésor a approuvé des règlements pour autoriser la collaboration scientifique dans le domaine médical entre Américains et Cubains, ainsi que la possibilité que les médicaments produits à Cuba puissent obtenir l'approbation de la Food and Drug Administration (FDA) et être commercialisés aux États-Unis.

Malgré le fait que la plupart des mesures prises par l'administration Obama par rapport à Cuba ont été abrogées par le gouvernement de Donald Trump, et que la collaboration scientifique s'est également détériorée, cette mesure approuvée par Obama a survécu. Ainsi, si nécessaire et en obtenant la licence de la FDA, l'interféron produit à Cuba pourrait bénéficier à des milliers d’Américains.
(…)

• Suivent des Informations sur les traitements utilisés en pratique en Chine pour traiter COVID-19 où ils incluent l'interféron cubain.




(Que je mets en note, en annexe, parce que je les trouve utiles à lire, même si c'est surtout utile pour les médecins)


Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)
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ANNEXE :

Informations sur les traitements utilisés en pratique en Chine pour traiter COVID-19 où ils incluent l'interféron cubain.

Extraits d’un Rapport sur le traitement de la COVID-19 par les autorités chinoises "Novel Coronavirus Pneumonia Diagnosis and Treatment Plan (Provisional 6th Edition)” - 19 février 2020.

Traitement régulier :

       1. Le traitement des cas légers comprend le repos au lit, les traitements de soutien et le maintien de l'apport calorique. Attention à l'équilibre des liquides et des électrolytes et maintien de l'homéostasie. Surveillance étroite des signes vitaux du patient et de la saturation en oxygène.

       2. Surveillance du panel d'hématologie, analyse d'urine de routine, PCR, biochimie (enzymes hépatiques, enzymes cardiaques, fonction rénale), coagulation, analyse des gaz du sang artériel, radiographie pulmonaire, etc. Analyse des cytokines si possible.

        3. Administration immédiate de mesures d'oxygénation efficaces, y compris un cathéter nasal, un masque à oxygène et une canule nasale à haut débit.

       4. Les thérapies antivirales : Interféron alfa (adulte : 5 millions d'unités ou l'équivalent de 2 ml d'eau stérile peuvent être ajoutés pour injection et administrés avec un nébuliseur deux fois par jour), lopinavir / ritonavir (adulte : 200 mg / 50 mg / comprimé, 2 comprimés deux fois par jour ; la durée du traitement ne doit pas dépasser 10 jours), ribavirine (recommandée en combinaison avec l'interféron ou le lopinavir / ritonavir, adulte : 500 mg deux ou trois fois par jour par voie intraveineuse, la durée du traitement ne doit pas dépasser 10 jours), phosphate de chloroquine (adulte : 500 mg deux fois par jour ; la durée du traitement ne doit pas dépasser 10 jours), umifénovir (adulte : 200 mg trois fois par jour ; la durée du traitement ne doit pas dépasser 10 jours). Faites attention aux effets indésirables associés au lopinavir / ritonavir, tels que la diarrhée, la nausée, les vomissements et le dysfonctionnement du foie, ainsi qu'aux interactions avec d'autres médicaments. L'efficacité des médicaments actuellement utilisés sera évaluée dans le cadre de l'application clinique. L'utilisation de 3 médicaments antiviraux ou plus n'est pas recommandée. Le médicament correspondant doit être arrêté en cas d'effets secondaires d'intolérance.

       5. Thérapies antibiotiques : Éviter l'utilisation injustifiée ou inappropriée des antibiotiques, en particulier l'utilisation combinée d'antibiotiques à large spectre.

Les vertus de l'interféron cubain utilisé contre le coronavirus


Le Dr Eulogio Pimentel Vazquez, directeur général du Centre de génie génétique et de biotechnologie, appartenant au groupe d’entreprises BioCubaFarma, a déclaré à Granma qu'au cours des trente dernières années, ce produit a démontré son efficacité et sa sécurité dans la thérapie des maladies virales

Auteur: Orfilio Pelaez | informacion@granma.cu

14 février 2020

http://fr.granma.cu/cuba/2020-02-14/les-vertus-de-linterferon-cubain-utilise-contre-le-coronavirus

Mis au point en 1986 par une équipe de chercheurs du Centre de génie génétique et de de biotechnologie (CIGB), l'interféron humain recombinant alpha-2B a profité à des milliers de patients cubains depuis son introduction dans le système national de santé, il y a plus de trois décennies.


Le Dr Eulogio Pimentel Vazquez, directeur général de l’entreprise appartenant au Groupe d’entreprise BioCubaFarma, a déclaré à Granma qu'au cours des trente dernières années, le produit a démontré son efficacité et sa sécurité dans le traitement de maladies virales, telles que l'hépatite B et C, l'herpès zoster (communément appelé zona), le VIH-SIDA et la dengue.

Il a la propriété d'interférer avec la multiplication virale à l'intérieur des cellules et il a également été utilisé dans le traitement de plusieurs types de carcinomes.

« Le choix des autorités médicales chinoises de l'utiliser contre le coronavirus est dû au fait que ce virus réduit généralement la production naturelle d'interféron dans le corps humain et que le médicament cubain est capable de combler cette déficience en renforçant le système immunitaire des patients souffrant de la maladie respiratoire contagieuse qu'il provoque », a déclaré le Dr Pimentel,

L’entreprise-mixte cubano-chinoise ChangHeber, dont le siège est à Changchun, a été créée en 2003 à la suite d’un transfert de technologie effectué par le CIGB vers la Chine. Dix ans plus tard, une usine moderne y a été inaugurée, qui offre actuellement des produits biotechnologiques mis au point à Cuba, dont l'interféron alpha 2B recombinant.

Il convient de préciser que le médicament a reçu le prix national de l'Innovation technologique en 2012, décerné par le ministère des Sciences, de la Technologie et de l'Environnement (Citma) et le prix national de la Santé en 2013.
Il est intéressant de signaler également qu’en 2019 cette l'institution a achevé la phase d'inclusion de patients dans les essais cliniques de phase 2 avec le candidat CIGB-500, un médicament en cours de mise au point qui présente des indicateurs cardioprotecteurs, et le candidat CIGB-845, destiné à la thérapie des maladies cérébrovasculaires.

Ajoutons le début d’un projet de recherche consacré à l’étude d’un candidat vaccin contre le Zika, ainsi qu'à la poursuite des travaux entrepris dans le même objectif pour soigner la dengue et le cancer de la prostate.


Voir aussi des extraits traduit en français d'un article plus complet, en anglais : https://oncubanews.com/en/cuba/the-famous-cuban-interferon-vs-the-sars-cov-2-coronavirus/

Et l'information toute récente de l'envoi de médecins cubains en Italie :

Les médecins cubains quittent le Brésil



Les voilà disponible pour aider l'Italie à surmonter l'épidémie du Coronavirus.
Et bientôt ailleurs ?
Ça me ferait bien rigoler qu'ils soient appelés au secours par le grand frère ennemi les USA dont le système de santé n'est pas au top...

22 mars 2020

Le Covid-19, un défi majeur pour la communication d’entreprise


Les dimensions sont inédites et l’issue plus qu’incertaine. 

Dans ce cadre, la gestion de la communication devient cruciale.

EXTRAITS d’une chronique signée Mike Klein, auteur et expert en communication interne, et Louis de Schorlemer, expert en communication d’entreprise

Transition vers une nouvelle réalité
(Conseil aux entreprises)


Les experts évoquent déjà un ébranlement massif de l’économie mondiale. Par la promotion de l’innovation et de la créativité parmi leurs salariés, les entreprises ont accès à une incroyable ressource, souvent négligée.
Repensons sans tarder nos modes de production, de distribution, de consommation et de travail. Cette vision du changement radical doit nourrir la communication d’aujourd’hui. Ne dites pas que vous offrez des solutions en attendant un retour à la normale. Préférez-lui des termes comme la capacité de rebondir et la capacité de vous adapter.
Écoutez ce que vous disent vos clients et vos collaborateurs. Demandez-leur comment adapter votre offre. Cherchez des solutions digitales pour automatiser et pour gagner en autonomie. Observez vos concurrents et, si l’un d’eux vous semble particulièrement innovant, parlez-lui. Le monde des fusions et acquisitions présentera de multiples opportunités à la sortie de la crise. Il sera nécessaire de collaborer et de se réinventer pour survivre. La disparition des uns créera autant d’espace pour d’autres.
Les solutions ne sont pas toujours évidentes et nous aurons besoin d’une résilience hors normes pour faire face aux changements qui nous attendent. Nous commettrons des erreurs. Mais plaçons nos entreprises maintenant sur la voie de la transition vers une nouvelle réalité, une réalité qui respecte notre humanité et qui intègre les opportunités digitales de demain.

Sélection sanitaire, en économie aussi


EXTRAITS d’une chronique d'Etienne de Callataÿ (*).

La crise du coronavirus exige des mesures économiques radicales d’aide aux victimes, mais il faut se montrer sélectif.

Le Covid-19 et les mesures prises pour en endiguer la propagation vont faire de nombreuses victimes économiques. Y a-t-il lieu, outre les mesures de portée générale comme l’assouplissement de la politique monétaire, de prendre des mesures spécifiques pour empêcher les faillites et pour soutenir des secteurs plus touchés ? Nous gagnerions à ce que la réponse soit nuancée, même si le réflexe éthique est de se montrer solidaires de tous ceux qui subissent un tel choc exogène.

Quelques exemples
• Préserver l’économie ne veut pas dire maintenir à tout prix le tissu économique actuel. Prenons un exemple extrême, qui va poser question aux États-Unis : est-il indiqué que les recettes de l’impôt soient mobilisées pour sauver du dépôt de bilan des producteurs de gaz de schiste et autres énergies extrêmement polluantes ? Il serait absurde de sauver des entreprises dont l’activité est profondément nuisible.
• Prenons un deuxième exemple. Le Covid-19 met à mal les entreprises de croisière qui font flotter dans la lagune de Venise et ailleurs ces immenses paquebots où, dans une grande promiscuité, s’entassent des milliers de personnes, et cela en consommant le carburant le plus polluant qui soit. Ici encore, utiliser de l’argent public pour renflouer de telles sociétés, ne serait-ce pas naviguer la quille en l’air ?
• Prenons encore un troisième exemple, plus délicat car impliquant directement nos contrées, celui des compagnies aériennes. Alors que nous sommes dramatiquement en retard par rapport à nos engagements de la Cop21 à Paris et alors qu’il y a un consensus scientifique pour penser qu’il faut relever la fiscalité sur ce qui pollue à mesure de la pollution émise - la "taxe carbone" -, ne serait-il pas totalement schizophrène de voir le produit de nos impôts servir à voler au secours de compagnies aériennes ?
(…)
S’il importe d’intervenir avec détermination et large spectre pour les individus, il y a à se montrer sélectif pour l’aide aux entreprises.
La faillite d’une compagnie aérienne ne fait pas se crasher ses avions mais seulement en changer les exploitants. Même si les économistes affectionnent la "destruction créatrice", et même si des historiens ont vanté les progrès sociétaux ayant suivi la Peste noire du XIVe siècle, nous ne nous réjouirons évidemment pas du drame actuel. L’État doit agir, mais il faut que la nécessaire action publique fasse sens.

(*) Université de Namur, etienne.decallatay@orcadia.eu

20 mars 2020

« En Chine, la baisse de la pollution va épargner plus de vies humaines que le virus en aura coûté » (François Gemenne)

Pourquoi avons-nous plus peur du coronavirus que du changement climatique ? Faut-il voir dans cette crise sanitaire une opportunité pour changer de modèle de développement ? Entretien avec le chercheur François Gemenne, membre du Giec.

Sébastien Billard, Le Nouvel Obs, le 21 mars 2020

C’est l’une des conséquences de l’épidémie de Coronavirus, qui a frappé la Chine avant de se propager dans de nombreux autres pays, dont la France : les émissions de gaz à effet de serre et la pollution de l’air sont en certains endroits en nette baisse. Selon une estimation publiée par Carbon Brief, les émissions de la Chine ont ainsi chuté d’au moins un quart entre le 3 février et le 1er mars comparé à 2019, du fait de la baisse de la production. Et selon la Nasa, les émissions de dioxyde d’azote (NO2) ont, elles, diminué de 10 % à 30 % par rapport à la même période en 2019, près de Wuhan, l’épicentre de l’épidémie, puis dans d’autres régions du pays.

Qu’est-ce que cette crise dit de nos sociétés industrialisées ? Pourquoi avons-nous plus peur du coronavirus que du changement climatique ? Cette crise peut-elle être une opportunité pour changer notre modèle de développement ?
Voir un entretien avec le chercheur François Gemenne, spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement et coauteur de « l’atlas de l’Anthropocène ».

https://www.nouvelobs.com/planete/20200314.OBS26038/en-chine-la-baisse-de-la-pollution-va-epargner-plus-de-vies-humaines-que-le-virus-en-aura-coute.html

Bill Gates et la CIA avaient prévu la pandémie


Le fondateur de Microsoft, ainsi que les analystes de la CIA, avaient averti sur les risques d’une pandémie semblable à celle du Covid-19

Par Timothée Vilars , Nouvel Obs, le 15 mars 2020 

 les experts de la CIA y décrivent un scénario très proche de la crise du Covid-19, imaginant « l’apparition d’une nouvelle maladie respiratoire humaine virulente, extrêmement contagieuse ».
Le texte prévoit même dans quelle zone et dans quelles circonstances ce nouveau virus pourrait émerger : « Si une maladie pandémique se déclare, ce sera sans doute dans une zone à forte densité de population, de grande proximité entre humains et animaux, comme il en existe en Chine et dans le Sud-Est asiatique où les populations vivent au contact du bétail. »
Les pratiques d’élevage à l’œuvre dans ces zones sont des vecteurs de contagion virale au sein des populations animales et de transmission à l’homme, soulignent les auteurs en rappelant l’exemple de la grippe H5N1. 

(« Le nouveau rapport de la CIA : comment sera le monde en 2025 ? », dont l’édition française est parue aux éditions Robert Laffont en 2009)
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YouTube a exhumé ces derniers jours une intervention de Bill Gates qui, il y a cinq ans, décrivait ses craintes d’une pandémie virale très semblable à celle que nous vivons depuis plusieurs semaines.
Ce « TED talk » (ces mini-conférences qui font un carton en ligne) d’un peu moins de 10 minutes a été vu par près de 5 millions de personnes sur YouTube et s’intitule sobrement « La prochaine épidémie ? Nous ne sommes pas prêts ». Bill Gates, alors encore l’homme le plus riche du monde, y décrit une de ses obsessions, que l’on peut retrouver dans de nombreuses interviews du philanthrope à la même époque : l’irruption d’une pandémie à laquelle l’humanité ne serait pas préparée. Nous sommes alors en mars 2015, dans la foulée de la terrible épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, restée essentiellement contenue à trois pays grâce à l’investissement des ONG dont MSF.
« Quand j’étais petit, la catastrophe dont nous avions le plus peur était un conflit nucléaire », commence le fondateur de Microsoft. « Mais si quelque chose tue plus de 10 millions de personnes dans les prochaines décennies, ce sera plus probablement un virus hautement contagieux qu’une guerre. […] Nous avons investi beaucoup dans la dissuasion nucléaire, et très peu dans un système pour endiguer les épidémies. Nous ne sommes pas prêts. »

https://www.youtube.com/watch?v=6Af6b_wyiwIhttps://www.youtube.com/watch?v=6Af6b_wyiwI

« Nous pourrions avoir moins de chance »
Bill Gates craint alors une épidémie plus mortelle et surtout plus étendue qu’Ebola, qu’il qualifie d’avertissement planétaire. « Il y a trois raisons pour lesquelles Ebola ne s’est pas propagé davantage », explique le milliardaire :
« Un travail héroïque des équipes de santé, qui ont évité la propagation des infections sur place […]
La nature du virus, qui ne se propage pas dans l’air : au moment où ils deviennent contagieux, la plupart des gens sont tellement malades qu’ils restent cloués au lit […]
Le fait qu’Ebola ait touché très peu de zones urbaines, ce qui relève simplement de la chance. »
« La prochaine fois, nous pourrions avoir moins de chance », avertit Bill Gates. « Imaginez un autre virus, avec lequel les gens infectés se sentiraient suffisamment en forme pour prendre l’avion ou aller au supermarché. […] D’autres variables rendraient les choses mille fois pires : par exemple, un virus capable de se propager dans l’air comme la grippe espagnole de 1918. »
Il est désormais prouvé que le Covid-19 survit trois heures en suspension dans l’air, que les symptômes peuvent mettre deux semaines à apparaître et que les personnes infectées peuvent être contagieuses même en période d’incubation.

Certes, les avancées de la communication et de la biologie donnent des armes à l’humanité pour riposter rapidement. « Il n’y a pas lieu de paniquer… Mais nous devons nous y mettre », conclut le Bill Gates de 2015, qui plaide pour un « système de santé mondial », avec des unités médicales mobiles et de réservistes. « Je n’ai pas un budget précis, mais il serait minime par rapport aux dégâts potentiels. La Banque mondiale estime qu’une épidémie mondiale de grippe diminuerait la richesse mondiale de 3 000 milliards de dollars, en plus des millions de morts. »
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« Dans une zone comme il en existe en Chine… »

Un petit livre à la couverture rouge, plus ancien que la conférence de Bill Gates, est également réapparu sur les réseaux sociaux ces dernières heures. « Le nouveau rapport de la CIA : comment sera le monde en 2025 ? », dont l’édition française est parue aux éditions Robert Laffont en 2009, est la quatrième édition d’un rapport de l’agence de renseignement américain, qui tente régulièrement de prédire l’avenir du monde dans un horizon de quinze à vingt ans, en pointant l’émergence de facteurs susceptibles de provoquer conflits et tensions. Dans un encart intitulé « Le déclenchement possible d’une pandémie mondiale », les experts de la CIA y décrivent un scénario très proche de la crise du Covid-19, imaginant « l’apparition d’une nouvelle maladie respiratoire humaine virulente, extrêmement contagieuse ».

Le texte prévoit même dans quelle zone et dans quelles circonstances ce nouveau virus pourrait émerger : « Si une maladie pandémique se déclare, ce sera sans doute dans une zone à forte densité de population, de grande proximité entre humains et animaux, comme il en existe en Chine et dans le Sud-Est asiatique où les populations vivent au contact du bétail. »

Les pratiques d’élevage à l’œuvre dans ces zones sont des vecteurs de contagion virale au sein des populations animales et de transmission à l’homme, soulignent les auteurs en rappelant l’exemple de la grippe H5N1. « Dans un tel scénario, la maladie tarderait à être identifiée si le pays d’origine ne disposait pas des moyens adéquats pour la détecter », redoutent les analystes. « Il faudrait des semaines pour que les laboratoires fournissent des résultats définitifs confirmant l’existence d’une maladie risquant de muter en pandémie. »

Lire « En Chine, la baisse de la pollution va épargner plus de vies humaines que le virus en aura coûté »
Voir ici: https://larcenciel-msimonis.blogspot.com/


Les premiers cas de Covid-19 ont été recensés le 31 décembre dernier, trois semaines après l’apparition des premiers symptômes chez des employés du marché de fruits de mer de Huanan, à Wuhan. L’OMS n’a déclaré l’état d’urgence sanitaire que le 30 janvier.

« Des tensions ne manqueraient pas d’éclater »

Alors, prédisaient les auteurs, les Etats tenteront de contrôler et limiter les mouvements de leurs populations, avec difficulté et sans garantie de succès. Là encore, la présence de malades asymptomatiques serait un facteur aggravant : « en dépit de restrictions limitant les déplacements internationaux, des voyageurs présentant peu ou pas de symptômes pourraient transporter le virus sur les autres continents ».
Le nombre de malades augmenterait alors de mois en mois, en l’absence d’un vaccin efficace. « Dans le pire des cas, ce sont de dix à plusieurs centaines de millions d’Occidentaux qui contracteraient la maladie », écrit la CIA, qui prévoit également un choc économique majeur, avec une « dégradation des infrastructures vitales et des pertes économiques à l’échelle mondiale ». Si le facteur pathogène s’avérait particulièrement virulent, un bilan humain mondial se comptant en centaines de millions de morts serait même à envisager.
Certes, le monde se prépare alors à une telle éventualité, rassure la CIA, rappelant que des centres de recherche travaillent à la mise au point de vaccins capables de prévenir ou limiter les pandémies de grippe : « Un résultat positif dans les prochaines années réduirait le risque que représente une telle pandémie pour les décennies à venir. »

Avec ce bémol :

 « Si une telle maladie apparaît d’ici à 2025, des tensions et des conflits internes ou transfrontaliers ne manqueront pas d’éclater ».
Dans la foulée de l’épidémie d’Ebola de 2014-2015, le Conseil de sécurité national (NSC) de la Maison-Blanche se dotait d’une unité de lutte contre les pandémies, dirigée par des experts mondialement reconnus. En mai 2018, l’administration Trump supprimait cette équipe, la jugeant inutile. Vendredi 13 mars en conférence de presse, Donald Trump a rétorqué à la journaliste qui l’interrogeait sur cette décision que sa question était « méchante ».

Timothée Vilars, Nouvel Obs, 15 mars 2020