16 mai 2009

La biodiversité, c’est l’âme de l’Humanité

De nombreuses espèces enregistrent des déclins inquiétants. Pour l'écologue Robert Barbault, cette crise est à la fois écologique et morale.

La nouvelle Libre Belgique publie chaque jour une page consacrée aux questions écologiques. Ce "Dossier Planète" est accessible sur le site de La Libre : http://www.lalibre.be/dossier.phtml?id=10&folder_id=331

Le 11 mai, on pouvait y lire un entretien de Gilles Toussaint avec Robert Barbault, directeur du département Ecologie et Gestion de la Biodiversité du Muséum national d’Histoire naturelle français.
Vous trouverez cet entretien sur le Blog "Changer le rêve"
Voici quelques extraits qui me parlent particulièrement.

S’il n’y avait pas eu la vie sur terre, qui a abouti à la formation de calcaire, on n’aurait pas eu de pierres pour construire Notre-Dame de Paris.

• Êtes-vous favorable à l'idée de faire payer les services rendus par la nature ?

Cette notion de services écologiques - la purification de l’eau, la régulation du climat, les pollinisateurs - passe assez bien. On les associe à des chiffres de nature économique et tout d’un coup cela a l’air plus important. Mais je pense qu’il faut être très prudent car la cause fondamentale de la dégradation de la biodiversité, c’est le système économique dominant et le marché libre. Donc, se dire que pour faire prendre au sérieux ce problème et le résoudre, on va le quantifier économiquement, c’est finalement continuer de soumettre la nature à ce qui est à la cause de sa destruction.

La biodiversité représente le tissu vivant de la planète. (...) Si cela dure depuis quatre milliards d’années, c’est parce qu’il y a de la diversité. Ce tissu vivant a une ampleur planétaire, nous sommes concernés quand des espèces disparaissent, quand le tissu vivant se déchire, car c’est la qualité des milieux dans lesquels nous vivons qui se détériore.
En présentant les choses de cette manière, les gens réalisent que c’est important et qu’à la limite, la crise financière n’est qu’un épiphénomène de cette dégradation.

D’abord faire prendre conscience aux gens du fait que s’il y a un problème, c’est précisément parce que les hommes, en particulier les Occidentaux modernes, ont perdu de vue qu’ils dépendaient de la nature pour leur propre bien-être.

La fameuse phrase attribuée à Einstein à propos des abeilles, il faut la voir d’un point de vue symbolique. Cela veut dire que si l’espèce humaine est conne au point d’entraîner la disparition des pollinisateurs, elle finira effectivement par aller à sa perte. Non pas parce que les espèces disparaissent, mais parce qu’elle est profondément destructrice.

Derrière la crise actuelle de la biodiversité se joue la dimension humaine, humaniste de notre espèce. La question est de savoir si cette dimension va survivre à une destruction massive qui n’est pas seulement une destruction de la nature, mais qui est aussi une destruction sociale, économique et morale. La destruction des milieux tropicaux va de pair avec la destruction des conditions de vie des populations qui y vivent. Ce n’est pas les pauvres du Sud qui détruisent la biodiversité, c’est essentiellement le développement de nos sociétés occidentales qui entraînent la destruction des milieux par surexploitation et avidité.

Robert Barbault écrit beaucoup de livres et entre autres "Un éléphant dans un jeu de quilles- L’homme dans la biodiversité". Editions du Seuil.

Je vous signale aussi une intervention de Robert Barbault sur la biodiversité à écouter sur le site de la Bibliothèque Centre Pompidou.

La biodiversité, c’est l’âme de l’Humanité

De nombreuses espèces enregistrent des déclins inquiétants.
Pour l'écologue Robert BARBAULT, cette crise est à la fois écologique et morale.

Entretien Gilles Toussaint
Robert Barbault est directeur du département Ecologie et Gestion de la Biodiversité du Muséum national d’Histoire naturelle français.

• On parle beaucoup de la biodiversité en termes alarmants, mais cet enjeu semble encore mal perçu par l'opinion publique. Comment mieux faire passer ce message ?

On intéresse généralement le public à ce sujet à travers une approche emblématique comme la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la Conservation de la nature, mais il ne mesure pas de quelle façon il est réellement concerné. Par rapport à la crise économique, il a l’impression que la nature c’est sympathique, mais que ce n’est pas aussi dramatique que le reste.
Pour ma part, je présente la biodiversité un peu différemment en commençant par dire qu’elle représente le tissu vivant de la planète et que le phénomène du vivant est caractérisé par la diversité qui est la raison de son succès. Si cela dure depuis quatre milliards d’années, c’est parce qu’il y a de la diversité. Ce tissu vivant a une ampleur planétaire, nous sommes concernés quand des espèces disparaissent, quand le tissu vivant se déchire, car c’est la qualité des milieux dans lesquels nous vivons qui se détériore.

En présentant les choses de cette manière, les gens réalisent que c’est important et qu’à la limite, la crise financière n’est qu’un épiphénomène de cette dégradation; du fait que l’on méconnaisse l’importance du fonctionnement des systèmes vivants pour les activités humaines, y compris les activités économiques passées ou présentes. S’il n’y avait pas eu la vie sur terre, qui a abouti à la formation de calcaire, on n’aurait pas eu de pierres pour construire Notre-Dame de Paris.

• Êtes-vous favorable à l'idée de faire payer les services rendus par la nature ?

Cette notion de services écologiques - la purification de l’eau, la régulation du climat, les pollinisateurs - passe assez bien. On les associe à des chiffres de nature économique et tout d’un coup cela a l’air plus important. Mais je pense qu’il faut être très prudent car la cause fondamentale de la dégradation de la biodiversité, c’est le système économique dominant et le marché libre. Donc, se dire que pour faire prendre au sérieux ce problème et le résoudre, on va le quantifier économiquement, c’est finalement continuer de soumettre la nature à ce qui est à la cause de sa destruction.
Bien sûr ce n’est pas inintéressant de disposer de tels chiffres, mais la valeur de la biodiversité, avec un grand V, reste la valeur de la vie. Il faut donc prendre certaines précautions et d’abord faire prendre conscience aux gens du fait que s’il y a un problème, c’est précisément parce que les hommes, en particulier les Occidentaux modernes, ont perdu de vue qu’ils dépendaient de la nature pour leur propre bien-être. En général, quand je demande aux gens s’ils ont besoin de compter les morts après une guerre pour savoir si la guerre c’est quelque chose de bien ou pas, ils répondent non.

• Une nouvelle révolution copernicienne pour resituer la place de l'homme dans la nature est-elle nécessaire ?

Exactement, il faut lui faire redécouvrir que ses racines se trouvent dans ce qu’il appelle la nature. Que les singes sont nos cousins et que ce n’est pas s’affaiblir et s’amenuiser de le reconnaître. Au contraire, c’est s’enraciner dans quelque chose de prodigieux qui est le vivant, la biodiversité, avec une expérience accumulée sur des millions d’années et des prodiges d’invention.

L'hypothèse d'une 6e extinction massive est de plus en plus souvent évoquée...

L’utilisation de l’expression "6e crise d’extinction" n’est pas du tout appréciée par les paléontologues et je les comprends. La comparaison n’est pas judicieuse parce que l’échelle de temps des extinctions passées s’est étalée sur des centaines de milliers voire des millions d’années. Or, aujourd’hui nous en sommes au mieux dans une échelle de la décennie ou du siècle. La deuxième différence, c’est que ces grandes extinctions étaient liées à des événements majeurs d’ordre géologique, climatique ou volcanique et éventuellement à la chute d’une météorite. La crise actuelle est due au dérèglement des sociétés et des activités humaines.
Aujourd’hui, on constate certes des disparitions d’espèces et des effondrements de populations. Mais, dans le monde marin qui a été fortement martyrisé, par exemple, on n’a pas recensé pour l’instant la disparition ni d’une espèce de baleine, ni de requin. De manière générale, les populations des grands prédateurs marins se sont néanmoins effondrées de plus de 95 %, voire 99 %.

L’obsession de l’extinction fait que l’on ne mesure pas que ce qui est grave, ce n’est pas seulement la disparition d’une espèce, c’est le fait que quand une espèce qui jouait un rôle important dans la dynamique des écosystèmes voit sa population réduite de manière drastique, cela déséquilibre radicalement le fonctionnement de ceux-ci. Il y a toute une série de phénomènes qui font leur apparition : les méduses se mettent à pulluler, etc. Et c’est seulement aujourd’hui que l’on commence à mesurer la catastrophe que représente l’effondrement des stocks de grands prédateurs marins.

Cela dit, on sait que l’on est dans une phase d’intensification des taux d’extinction et que l’on peut parler de crise d’extinction. Mais il ne sert à rien de dresser seulement des listes de comptage. Il faut plutôt attirer l’attention sur le fait que nous sommes une espèce supposée intelligente, capable de se préoccuper des générations futures et donc de corriger le cours des choses.

• A terme, l'espèce humaine pourrait-elle elle-même être menacée ?

Cela nous renvoie à la fameuse phrase attribuée à Einstein à propos des abeilles. Il faut la voir d’un point de vue symbolique. Cela veut dire que si l’espèce humaine est conne au point d’entraîner la disparition des pollinisateurs, elle finira effectivement par aller à sa perte. Non pas parce que les espèces disparaissent, mais parce qu’elle est profondément destructrice.
La crise d’extinction ne va pas entraîner directement la disparition de l’espèce humaine, qui est résistante. Derrière la crise actuelle de la biodiversité se joue la dimension humaine, humaniste de notre espèce. La question est de savoir si cette dimension va survivre à une destruction massive qui n’est pas seulement une destruction de la nature, mais qui est aussi une destruction sociale, économique et morale. La destruction des milieux tropicaux va de pair avec la destruction des conditions de vie des populations qui y vivent. Ce n’est pas les pauvres du Sud qui détruisent la biodiversité, c’est essentiellement le développement de nos sociétés occidentales qui entraînent la destruction des milieux par surexploitation et avidité. Pour moi, c’est là l’enjeu majeur. D’où le côté positif de cette crise si l’on sait s’en emparer de façon constructive. C’est un signal d’alarme qui nous rappeler que nous sommes Homo sapiens , censé être plus intelligent que les autres.

La Libre Belgique, Gilles Toussaint. Mis en ligne le 11/05/2009
http://www.snv.jussieu.fr/vie/dossiers/biodiversite/barbault/interview%20barbault.htm

A lire : "Un éléphant dans un jeu de quilles- L’homme dans la biodiversité" Par Robert Barbault. Editions du Seuil.

Voir aussi (et entendre) : http://archives-sonores.bpi.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=2954

14 mai 2009

Le nouveau rêve ?

Cela s'est passé gare d'Antwerpen (Anvers)


Un peu long à télécharger mais très émouvant à voir :

http://streaming.vtm.be/VTM/opzoeknaarmaria/Video/STUNT_MARIA_FINAL_EXPORT.wmv

Le "nouveau progamme" ou le "nouveau rêve" ?!

Ca s'est passé gare d'Anvers (Antwerpen)


Un peu long à télécharger mais très émouvant à voir :
http://streaming.vtm.be/VTM/opzoeknaarmaria/Video/STUNT_MARIA_FINAL_EXPORT.wmv
C'est le "nouveau progamme" ou le "nouveau rêve" !

11 mai 2009

BIENTOT LES MONNAIES LIBRES !

A suivre de près ! J’ai rencontré Jean-François Noubel chez Pierre Rabhi. J’ai déjà parlé de lui et de l’intelligence collective sur mon site de l’arc en ciel. Je pense que son travail et l’initiative concernant la monnaie est à suivre avec attention...


Comment l'économie mondiale est sur le point de se transformer.

Le système monétaire actuel est un Titanic. Piloté par quelques uns en haut d'une chaîne de pouvoir, loin du jeu démocratique, obscur, fondé sur des idéologies du passé, il démontre qu'une erreur de pilotage ici, une malveillance là, une négligence générale de l'équipage ont tôt fait de mener le navire à sa perte. Avec tous ses passagers à bord. Evidemment ceux qui sont en charge des commandes font tout pour l'empêcher de couler. On connaît la suite...

Notre système monétaire conventionnel ne durera plus très longtemps. L'argent basé sur la dette et l'intérêt est un système instable, condamné à disparaître du fait de son déséquilibre intrinsèque (par exemple le marché ne peut suivre le montant des intérêts à rembourser).
La monnaie est sur le point de suivre la même évolution que les médias ces dernières années. Centralisés, propriétaires, fondés sur le "un vers tous", les médias ont muté vers des modèles distribués, ouverts, libres, de pair à pair. Tout le monde peut aujourd'hui être un média.
De la même façon, des millions de monnaies libres vont bientôt circuler sur le Net et via nos téléphones portables. Elles ne seront pas contrôlées par les banques centrales ou les Etats. Elles seront émises par des millions de personnes et d'organisations. L'argent conventionnel fondé sur l'intérêt et la dette (85% à 98% de la monnaie en circulation aujourd'hui) sera voué à disparaître ou s'adapter. Tout le monde utilisera ces nouvelles monnaies libres, parce qu'elles sont gratuites, non-rares, faciles à faire circuler dans les réseaux publics, et simplement parce que tout le monde en a aujourd'hui besoin, les personnes comme les entreprises.
Jean-François Noubel, fondateur de TheTransitioner, donnera une conférence sur ce sujet plus que brûlant. L'objectif sera de partager, avec vous, en quoi cette évolution a déjà commencé. Nous explorerons des questions telles que:
• Pourquoi les futures organisations ne pourront plus réussir avec la monnaie conventionnelle ?
• En quoi ces nouveaux systèmes monétaires sont-ils une réponse innovante face aux challenges mondiaux actuels ?
• Comment nous préparer ? Quelles actions engager dès maintenant ?
• Comment les organisations d'aujourd'hui -- entreprises, banques, gouvernements -- peuvent-elles utiliser de nouveaux systèmes monétaires pour leur propre développement, pour leur efficacité et leur compétitivité ?
• Quelles sont les nouvelles opportunités et les nouveaux marchés ?
• Quelle est l'avancée des travaux de TheTransitioner ?

Cette conférence vous ouvrira les portes d'un espace plus vaste de la réalité d'aujourd'hui. Nous ne parlerons pas du paradigme présent. Avec des nombres, des faits, des détails, vous pourrez entrer dans la chair de cette nouvelle humanité, déjà vivante, en pleine créativité, mais encore invisible pour un regard conventionnel.

A propos de TheTransitioner.org
TheTransitioner.org est un organisme international, indépendant et à but non lucratif, de R&D en intelligence, conscience et sagesse collectives. Le fruit des recherches est directement offert au domaine public. TheTransitioner.org travaille sur de nouvelles technologies et méthodologies destinées à développer les nouvelles formes d'intelligence collective pour l'humanité et les organisations qu'elle crée. Le développement des monnaies libres gouvernées par la société civile est au cœur de ses engagements. TheTransitioner.org a également pour mission de former les personnes et organisations pionnières dans l'évolution du vivant social, au travers de séminaires, conférences, publications et événements médiatiques.


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04 mai 2009

Un moment clé pour faire les bons choix

Une synthèse intéressante de la situation actuelle est faite par Peter Tom Jones, responsable de l'étude "Ecologie industrielle" à l'Université de Louvain (KUL) et promoteur d'une économie écologique en Flandre. Son interview paru dans Dimension 3, le journal de la Coopération belge vaut la peine d'être lu et même utilisé dans le symposium. Bonne lecture. Michel Simonis

La crise économique actuelle ne s’est pas invitée seule. Le Sud, dans le même temps, doit encore faire face à une crise alimentaire. Parallèlement, les combustibles fossiles s’épuisent peu à peu. Le changement climatique nécessite des mesures radicales, tandis que la consommation du Nord affecte les ressources de la terre. Tous ces problèmes sont liés indissociables. Un des courants de pensée qui place les solutions dans un contexte global est l’économie écologique. Nous avons eu un entretien avec l’un de ses apôtres, Peter Tom Jones.

Quelles sont les principales caractéristiques de l’économie écologique ?

L’économie écologique part de la réalité biophysique qui établit que la croissance a des limites réelles. L’écosystème de la terre est limité dans les matières premières qu’il peut fournir et dans la capacité d’absorption des déchets comme le CO 2. Une croissance économique mondiale de 5 % implique que l’économie internationale double en 16 ans, quadruple en 30 ans, etc. À long terme, cela ne peut jamais être durable sur le plan écologique. Par ailleurs, l’économie écologique recherche une répartition plus équitable de la marge écologique, ce qui est très important dans le cadre d’un accord climatique international futur, par exemple. Dans l’économie écologique, le marché n’arrive qu’en troisième position. On utilise le marché pour ce qu’il a de bon, mais cela ne va pas plus loin. C’est totalement différent de l’économie néoclassique actuelle, qui continue à chercher la prospérité uniquement dans les mécanismes du marché.

À quoi ressemble le monde idéal de l’économie écologique ?

À long terme, cela doit être un monde qui admet que la croissance a des limites biophysiques : cela s’appelle une économie en état de stabilité. Ceci doit aussi aller de pair avec une réforme du système financier. En effet, le système actuel avec des taux d’intérêt positifs débouche sur une économie qui a besoin d’une croissance minimale pour être stable. On trouve notamment de bonnes idées quant à un nouveau système financier dans le livre "Le futur de l’argent" de Bernard Lietaer. Il s’agit d’un débat indispensable, mais complexe. Toutefois, nous ne devons pas perdre de vue qu’il faut préparer d’urgence la transition à une économie pauvre en carbone. La crise financière actuelle, qui coïncide avec une crise du climat, de l’alimentation, de l’eau et de l’énergie, représente un moment charnière pour enfin faire les bons choix. Heureusement, le monde commence à en prendre conscience. L’idée d’un Green New Deal – un concept de la cellule de réflexion britannique New Economics Foundation – est maintenant propagée par Ban Ki-Moon et Al Gore.
Obama aussi l’a bien compris, ce qui donne un signal vraiment porteur d’espoir. Je considère qu’il s’agit d’un premier pas pragmatique vers l’économie écologique.

Comment envisagez-vous ce monde pauvre en carbone ?

Le logement, la mobilité, l’alimentation et les déplacements sont responsables d’environ 80 % de notre impact environnemental. En ce qui concerne le logement, nous devons mieux concevoir nos maisons en utilisant la technologie des maisons passives. Les bâtiments existants doivent être profondément adaptés aux meilleures techniques de rénovation à notre disposition. En ce qui concerne la mobilité, nous devons aller vers une électrification complète du parc automobile durant les 15 à 20 prochaines années.
D’ailleurs, l’utilisation de voitures électriques entre parfaitement dans le cadre du réseau intelligent (partiellement) décentralisé de l’avenir. Le système centralisé actuel est "stupide" et inefficace, notamment en raison des pertes importantes durant le transport sur le réseau. Et le stockage de l’électricité est très difficile, ce qui entraîne une mauvaise relation entre l’offre et la demande. Dans les réseaux intelligents décentralisés de l’avenir, les batteries des voitures électriques feront fonction de systèmes de stockage qui accumulent et libèrent l’électricité en fonction des besoins. Une autre piste intéressante en matière de mobilité est le développement d’un système flexible de voitures partagées. Évidemment, l’offre de transports en commun et d’infrastructures cyclistes doit être considérablement améliorée. Quant à l’alimentation, nous devons tendre vers une réduction de la consommation de viande et une alimentation plus saisonnière, biologique et locale. En termes de voyages, enfin, le défi consistera à voyager à nouveau plus lentement et moins loin.

Cela demande de sérieux efforts de la population…

C’est la raison pour laquelle il est tellement important d’insister sur le haut degré de qualité de vie des alternatives. Il ne s’agit pas d’utiliser de l’eau froide en hiver, ou de vivre dans une cabane munis de chaussettes en laine de chèvre... Avec la technologie des maisons passives, qui existe déjà, non seulement l’impact environnemental diminue d’environ 75 %, mais le confort de l’habitat connaît une grande amélioration. En ce qui concerne la mobilité, nous devons surtout nous concentrer sur la santé. Il y a un énorme problème de particules fines et d’embouteillages. Le Belge moyen - c’est encore pire en Flandre - perd 13,5 mois de sa vie en raison des particules fines. La mobilité écologique est plus sûre et plus saine. Pour l’alimentation, la santé est aussi un argument pertinent. De nombreux problèmes de santé actuels (maladies cardiovasculaires, obésité, diabète, cancer) sont liés à une consommation excessive de viande. De plus, l’alimentation locale et saisonnière est issue d’un nouveau type d’agriculture, avec un ensemble de tâches plus vaste, notamment le souci du paysage, la biodiversité, voire le stockage de carbone. Le secteur le plus complexe est celui des voyages. Pourtant, il est indispensable de remettre en question ce qui semble aller de soi : les vols intercontinentaux.

La transition vers une économie écologique présente des avantages dits complémentaires. Elle crée par exemple de nouveaux emplois ancrés localement, qui ne sont plus soumis aux distorsions du libre-échange international. La Confédération européenne des syndicats a calculé qu’une réduction des émissions de CO 2 de 40 % dans l’Union Européenne créerait 1,5 % d’emplois de plus qu’un scénario classique. Il faut des métiers de qualité pour des travaux intensifs comme la rénovation des bâtiments existants, l’énergie renouvelable et les nouveaux types de transports en commun. Un deuxième avantage majeur est l’autonomie énergétique. Nous sommes actuellement face à une situation insoutenable. Pour son énergie, la Belgique dépend presque totalement de l’étranger. Les combustibles fossiles (gaz naturel, pétrole) vont devenir plus chers, tandis que l’uranium nécessaire à l’énergie nucléaire provient de pays souvent instables politiquement. Un changement s’impose : une consommation rationnelle de l’énergie, une plus grande efficacité énergétique dans l’industrie, des bâtiments passifs - et ultérieurement actifs -, une utilisation bien plus fréquente des énergies renouvelables, etc. Enfin, les villes deviendront beaucoup plus vivables grâce à un aménagement vert, et avec une mobilité durable et des voitures électriques. A eux seuls, les avantages pour la santé pourront être plus intéressants que les coûts de la mise en oeuvre de ces politiques. En y associant les investissements dans l’emploi et l’autonomie énergétique, on obtient une situation triplement win-win.

Ce qui importera énormément dans tout ceci, c’est que, consciencieusement et loyalement, le gouvernement exerce une fonction d’exemple. Avec ses marchés publics, il possède 20 % du marché ! S’il fait des choix verts cohérents, il peut stimuler les secteurs verts et les faire croître suffisamment pour qu’ils puissent concurrencer les secteurs non verts, qui sont encore privilégiés de facto aujourd’hui, en raison de la non intériorisation des frais externes.

Le concept du cradle to cradle (littéralement "du berceau au berceau") établit que nous pouvons continuer à consommer si les produits sont biodégradables et/ou si les circuits sont fermés. Il n’est donc pas question de réduire la consommation ?

Le cradle to cradle fait partie de la solution, mais sans plus. Les concepteurs continuent à partir de la consommation illimitée. Cependant, une croissance infinie du PNB est incompatible à long terme avec les ressources limitées de la terre. Nous vivons déjà au dessus de ces ressources. Il n’existe aucune argumentation scientifique pour continuer à promouvoir une croissance illimitée. De plus, la croissance ne mène plus au bien-être. Plusieurs études de satisfaction ont montré que dans les pays occidentaux, les revenus supérieurs à partir d’un certain niveau sont totalement indépendants du niveau de bien-être. Il n’y a donc aucun lien direct entre le sentiment de bien-être et le revenu. Actuellement, si l’on souhaite créer un niveau de bien-être supérieur, il faut réparer les tissus sociaux, introduire la sécurité et la sûreté, améliorer la santé et réduire les inégalités internes. De même, il est faux de dire que la croissance du PNB est nécessaire par définition pour créer de l’emploi. À l’heure actuelle, il arrive aussi que la croissance du PNB détruise l’emploi, notamment à cause de l’automatisation. Il est bien plus efficace d’opter pour une économie écologique où l’on taxe moins le travail et plus l’impact environnemental et où l’on investit dans des secteurs de travail intensif. La croissance du PNB serait aussi nécessaire pour lutter contre la pauvreté du Sud ? Encore une fois, des chiffres empiriques prouvent le contraire. Une étude de la New Economics Foundation sur la période de 1990 à 2001 montre qu’il faut 166 dollars de croissance du PNB mondial pour dégager 1 dollar de lutte contre l’extrême pauvreté. Il s’agit d’un rendement de seulement 1 sur 166. Quelle doit alors être la croissance du PNB pour lutter sérieusement contre la pauvreté ? Il nous faut donc d’autres mécanismes directs.

Comment percevez-vous le fossé qui sépare le Nord et le Sud?

C’est précisément le débat sous-jacent à la conférence climatique cruciale de Copenhague, prévue en décembre 2009. Un accord équitable nécessite un transfert technologique et des transferts financiers du Nord vers le Sud. C’est tout ce qu’il y a de plus correct, étant donné la dette historique de carbone du Nord envers le Sud. En raison du principe du "pollueur payeur", le Nord doit fournir des fonds afin que le Sud puisse développer la capacité d’adaptation nécessaire pour lutter contre les conséquences du changement climatique. En outre, un transfert technologique est également nécessaire, même s’il va à l’encontre du système actuel en vigueur des droits de propriété intellectuelle. Il faut donc de l’argent pour payer les entreprises afin qu’elles transfèrent leurs technologies. Les pays en développement doivent pouvoir disposer immédiatement des meilleures technologies et des meilleurs systèmes : urbanisme vert, mobilité durable, systèmes électriques décentralisés, etc. Ce faisant, le Sud ne doit pas commettre les erreurs de l’Occident. L’aide au développement doit réduire le risque d’impact climatique. Nous ne pouvons donc pas investir dans des projets qui seront inutiles dans 10 ans en raison des changements climatiques, mais préparer les sociétés du Sud à ce changement. Il s’agit donc d’une part de réorienter les budgets de développement existants et, d’autre part, d’accorder de nouveaux budgets pour payer l’adaptation et les mesures technologiques. Cela permettra de développer des économies locales qui seront davantage basées sur des blocs commerciaux régionaux, et
qui dépendront moins de l’exportation à bas prix vers l’Occident.

On entend souvent dire : les pays en développement doivent surtout exporter pour pouvoir se développer. Est-ce un mythe ?

C’est un mythe s’il s’agit de produits sans grande plus-value comme les produits de base de la monoculture, l’exploitation forestière et les minéraux non traités. Ainsi, les pays en développement consomment leur propre capital naturel avec de graves conséquences écologiques sur place. Cela produit des revenus à court terme (à très bas prix d’ailleurs), mais ce capital naturel est perdu à long terme. Ce n’est pas comme ça que l’on développe la prospérité économique durable.

Une forme de dé-mondialisation (deglobalisation) économique est donc souhaitable. Cela implique que les économies du Sud réorientent leur croissance, axée sur l’exportation dans le cadre du marché international, vers la production de marchés locaux. La dé-mondialisation est un plaidoyer pragmatique pour une économie mixte, où l’initiative privée côtoiera davantage les entreprises publiques, les coopératives et d’autres formes d’économie sociale. Les régions ou communautés produiront elles-mêmes les marchandises dont elles ont besoin, surtout dans le cas des denrées alimentaires, si toutefois c’est possible à un coût peu élevé. Dans le cas contraire, l’importation aura sa place. L’économie mondiale doit se développer à plusieurs niveaux (local, national, continental, mondial) en évitant que des marchandises en vrac et des produits agricoles primaires soient envoyés partout dans le monde.

Toutefois, sur le plan politique, nous avons plus que jamais besoin de mécanismes supplémentaires et d’organisations onusiennes plus solides pour l’environnement, le climat et le développement, au lieu de donner les pleins pouvoirs à la Banque Mondiale, au Fond Monétaire International et à l’Organisation Mondiale du Commerce. D’ailleurs, ces institutions perdent déjà du pouvoir en raison des pays émergents tels que la Chine, l’Inde et le Brésil. La carte du pouvoir des pays du Sud se redessine peu à peu.

Chris Simoens

online :
www.neweconomics.org
www.petertomjones.be
www.oikos.be
www.terrareversa.be

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