22 mars 2020

Sélection sanitaire, en économie aussi


EXTRAITS d’une chronique d'Etienne de Callataÿ (*).

La crise du coronavirus exige des mesures économiques radicales d’aide aux victimes, mais il faut se montrer sélectif.

Le Covid-19 et les mesures prises pour en endiguer la propagation vont faire de nombreuses victimes économiques. Y a-t-il lieu, outre les mesures de portée générale comme l’assouplissement de la politique monétaire, de prendre des mesures spécifiques pour empêcher les faillites et pour soutenir des secteurs plus touchés ? Nous gagnerions à ce que la réponse soit nuancée, même si le réflexe éthique est de se montrer solidaires de tous ceux qui subissent un tel choc exogène.

Quelques exemples
• Préserver l’économie ne veut pas dire maintenir à tout prix le tissu économique actuel. Prenons un exemple extrême, qui va poser question aux États-Unis : est-il indiqué que les recettes de l’impôt soient mobilisées pour sauver du dépôt de bilan des producteurs de gaz de schiste et autres énergies extrêmement polluantes ? Il serait absurde de sauver des entreprises dont l’activité est profondément nuisible.
• Prenons un deuxième exemple. Le Covid-19 met à mal les entreprises de croisière qui font flotter dans la lagune de Venise et ailleurs ces immenses paquebots où, dans une grande promiscuité, s’entassent des milliers de personnes, et cela en consommant le carburant le plus polluant qui soit. Ici encore, utiliser de l’argent public pour renflouer de telles sociétés, ne serait-ce pas naviguer la quille en l’air ?
• Prenons encore un troisième exemple, plus délicat car impliquant directement nos contrées, celui des compagnies aériennes. Alors que nous sommes dramatiquement en retard par rapport à nos engagements de la Cop21 à Paris et alors qu’il y a un consensus scientifique pour penser qu’il faut relever la fiscalité sur ce qui pollue à mesure de la pollution émise - la "taxe carbone" -, ne serait-il pas totalement schizophrène de voir le produit de nos impôts servir à voler au secours de compagnies aériennes ?
(…)
S’il importe d’intervenir avec détermination et large spectre pour les individus, il y a à se montrer sélectif pour l’aide aux entreprises.
La faillite d’une compagnie aérienne ne fait pas se crasher ses avions mais seulement en changer les exploitants. Même si les économistes affectionnent la "destruction créatrice", et même si des historiens ont vanté les progrès sociétaux ayant suivi la Peste noire du XIVe siècle, nous ne nous réjouirons évidemment pas du drame actuel. L’État doit agir, mais il faut que la nécessaire action publique fasse sens.

(*) Université de Namur, etienne.decallatay@orcadia.eu

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