15 mars 2008

Les savoirs indigènes

"Prometteuse complémentarité : car c’est bien, in fine, de notre survie comme espèce, dans ses liens avec la communauté de tous les vivants, qu’il s’agit."

Une illumination soudaine : revenir un moment à ces livres qui ont nourri les derniers numéros de l'Arc en ciel. Toujours bien actuels, et en connexion avec certaines facettes du "symposium" Réveiller le Rêveur, dont il est question sur ce blog : Jean-Pierre Barou et Sylvie Crossman dirigent maintenant une petite maison d'édition peu connue, je pense, mais fort passionnante.

Voici donc quelques extraits de l'éditorial du dernier numéro de l'Arc en ciel, paru l'an dernier.

http://www.larcenciel.be/spip.php?article35

"Impressionnés par la visite du Musée du Quai Branly à Paris en décembre, il devenait intéressant pour moi d’approfondir certaines pistes.
A la recherche de documents sur l’art des peuples de l’Océanie (mais il existe en fait peu de choses dans les librairies), je suis tombé en arrêt devant un petit livre intitulé "L’oeil pense. Essai sur les arts primitifs" (Payot, 2002). Et voilà qu’un monde s’ouvre devant mes yeux éblouis... L'auteur, Jean-Pierre Barou, après avoir été l’un des fondateurs de "Libération", s’est consacré à l’étude des sociétés non occidentales et de leur art avec sa compagne Sylvie Crossman. "Enquête sur les savoirs indigènes" * ou "Tibet : les formes du vide" * sont deux livres qu’ils publient ensemble. Sylvie Crossman ? Tiens, tiens...
Sylvie Crossman est l’auteur d’un livre sur le mandala tibétain : "Tibet, la roue du temps – pratique du mandala"* et d’un beau petit livre pour enfants "Benjy voyage au pays du mandala tibétain" (Indigène éditions, 1966). Hasard ou convergence ?
Cette réflexion sur l’art qui a animé mes dernières semaines rencontre cette autre source plus écologique et socio-politique que constitue la prise en compte des peuples traditionnels. "Terre et Humanisme"* (Pierre Rabhi) a consacré son dernier numéro de "Nouvelles" aux "Peuples traditionnels, gardiens de la terre". Les projets de défense du patrimoine bio-génétique des territoires non encore saccagés par les pilleurs et les exploitants de toute sorte commencent à prendre de l’ampleur, de même que la défense des territoires de survie de ces peuples "premiers".
Sarayaku et d’autres, sont maintenant sous le projecteur grâce à l’action convergente de nombreuses associations. Ces derniers mois, j’ai pu en découvrir plusieurs au gré de mes navigations...
Outre le site "d’Indigène éditions", il y a le très riche "parole de nature" (Voir aussi Qui sommes-nous ?)
(parolesdenature@wanadoo.fr - 06 17 81 37 81 - 01 43 74 17 03 - 19 bis rue Raymond du temple, 94300 Vincennes)

J’ai cru longtemps que l’avenir des "peuples traditionnels" était de s’adapter ou de mourir, à l’instar de ceux qui, parmi les aborigènes, ont décidé de disparaître plutôt que de se rendre et de voir leur patrimoine immatériel multiséculaire tomber aux mains des hommes blancs.
Je pensais qu’il n’y avait aucun espoir de les voir garder la richesse de leur mode de vie traditionnel, dans l’océan de modernisme qui les encercle de toute part. Et bien je découvre maintenant de nouvelles perspectives.
En écoutant José Gualinga, cet automne à Liège, en voyant son film, je vois que pour défendre leur territoire et leur mode de vie et leurs valeurs traditionnelles, les indiens Kechua de Sarayaku ont adopté l’avion, la vidéo, l’informatique, l’Internet... Ils communiquent par satellite, manient caméra et DVD mieux que nous.
Les peintres aborigènes ne restent pas figés dans la reproduction des thèmes ancestraux. Ils innovent et c’est avec des techniques et des matériaux nouveaux qu’ils perpétuent "le temps du rêve", au grand dam des ethnologues qui eussent voulu leur garder leur "pureté" traditionnelle.
C’est peut-être un aspect de cette "complémentarité" dont parlait Andreï Sakharov * à propos des droits de l’homme.
Sylvie Crossman et Jean-Pierre Barou montrent combien le travail en synergie des guérisseurs traditionnels et des chercheurs médicaux de pointe est productif *. "Les yogis, les hommes médecine, les hommes de « haut degré »… reviennent en force. Leurs pratiques millénaires intéressent nos meilleurs neurologues et immunologistes. Nous comprenons que nous pouvons agir sur notre système immunitaire, sur l’activité de nos neurones, et cela aussi longtemps que nous sommes en vie."
Et de conclure : "Prometteuse complémentarité : car c’est bien, in fine, de notre survie comme espèce, dans ses liens avec la communauté de tous les vivants, qu’il s’agit."
Voilà, c’est sur un belle image d’espoir pour l’avenir des hommes et de leur planète, de "l’humanitude" dirait Albert Jacquard, que ce dernier numéro de l’arc en ciel met le point final à un cycle de quinze année de fraternité avec des lecteurs plus fidèles les uns que les autres.
Michel Simonis

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