11 octobre 2009

Un bonheur durable

Un interview du Professeur Eric Lambin. Convergences !

"La situation est grave mais pas désespérée, estime le Pr Eric Lambin. Le développement durable offre l'opportunité d'accroître notre bien-être."

Alors que l’actualité environnementale n’incite généralement guère à l’optimisme, voilà un ouvrage qui apporte une bouffée d’air frais. En publiant "Une écologie du bonheur", le professeur Eric Lambin (UCL) livre un plaidoyer solidement étayé et documenté en faveur d’une rapide transition vers un mode de développement plus durable.

• Pourquoi avoir choisi d'écrire ce livre ?

La transition vers un développement durable est passée par une 1ère phase, celle de la prise de conscience, qui était un peu teintée d’alarmisme pour faire comprendre l’urgence de la situation. On doit à présent passer à une seconde étape qui demande une approche très différente. Il faut susciter un engagement constructif, une sorte de motivation positive de la part des gens. Et je ne pense pas qu’une approche catastrophiste soit la plus productive de ce point de vue, mais qu’au contraire il est important de montrer la liaison entre le bien-être, le bonheur et la protection de la nature: "Je défends mon bonheur via une diminution de mon empreinte écologique". Ce n’est pas un optimisme béat qui se dit que les choses vont se résoudre par elles-mêmes. Derrière ces défis, il y a une opportunité de créer un modèle de développement post-matérialiste qui aura des effets considérables tant sur le bonheur individuel que sur l’environnement.

Selon vous, il est scientifiquement démontré que la nature est nécessaire au bonheur de l'homme ?

De nouvelles recherches en psychologie de l’environnement et en sociologie montrent en effet que le contact avec la nature est essentiel pour nous apporter une série de satisfactions émotionnelles et spirituelles, que cela contribue de manière fondamentale au bonheur psychique. Il y a aussi des données très surprenantes dans le domaine médical, qui montrent que le contact avec la nature est associé à des indicateurs de santé plus positifs.

Vous expliquez également que l'humanité a su réagir pour surmonter des problèmes semblables dans le passé...

Certes, jamais à l’échelle globale et à des rythmes de changement aussi rapides que ceux que l’on connaît aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’en minimiser l’importance ni l’urgence. Mais à des échelles plus locales et de manière un peu plus lente, l’histoire montre que les sociétés humaines ont une grande capacité d’adaptation face à un défi pour peu que l’on ait perçu l’ampleur de celui-ci. Et que non seulement l’innovation technologique, mais aussi le changement des institutions au sens large - à savoir les règles de vie, de décision et de comportement - peuvent permettre de modifier la trajectoire.

Le climat, c'est la priorité n°1 ?

Il est très difficile de les classer parce qu’il y a des synergies très fortes entre les différents changements que nous connaissons. Il faut les comprendre comme étant une transformation du système terrestre plutôt que catégoriser les problèmes et les étudier séparément.

La crise environnementale se double d'une crise sociale dans la mesure où le bien-être des pays riches s'est fait au détriment de l'environnement des pays pauvres...

C’est l’aspect le plus pervers des changements environnementaux. C’est un mécanisme de plus qui amplifie les inégalités socioéconomiques à l’échelle mondiale entre pays industrialisés et pays pauvres. Ceux-ci subissent les conséquences les plus dommageables de ces changements et sont les moins capables d’y faire face alors qu’ils y ont le moins contribué. Les changements environnementaux, ce n’est donc pas que préserver la planète, c’est aussi une préoccupation sociale et morale très importante.

Quelles solutions préconisez-vous ?

Il y a trois grandes étapes à respecter dans l’ordre. La première, c’est la prise de conscience par tous les acteurs à tous les niveaux de la société des défis, des enjeux et des priorités. La deuxième, c’est de modifier les règles du jeu pour créer des incitants suffisants au changement. C’est montrer qu’une transition vers le développement durable repose vraiment sur une motivation anthropocentrique et même égocentrique à préserver son bien-être. La troisième consiste à se donner les moyens de la réussir dans un délai raisonnable. Il n’y a pas d’approche clef sur porte à appliquer partout. Chaque pays doit prendre en compte son potentiel et adopter les solutions qui lui conviennent le mieux.

Entretien Gilles Toussaint, La Libre Belgique, mis en ligne le 08/09/2009 :
http://www.lalibre.be/societe/sciences-sante/article/527259/un-bonheur-durable.html

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