19 octobre 2016

Sortir par le haut de l'imbroglio CETA

Extraits d'une opinion de Pierre Defraigne, directeur exécutif du centre Madariaga-Collège d'Europe et directeur général honoraire à la commission européenne. 

18 octobre 2016

Le veto mis par le Parlement de Wallonie à la signature du Ceta est une décision à la fois légale, légitime et responsable. Elle pose néanmoins de graves questions de fond qui doivent trouver une solution. Il n’y a toutefois pas le feu au lac. La cérémonie de signature peut attendre. Circonscrivons les difficultés.

(...)
Comment faire reproche au Parlement wallon, avec le PS aiguillonné cette fois par le CDH et par les Verts, d’avoir perçu et mis en évidence le lien entre le TTIP et le Ceta qui est précisément ce qui fait problème aujourd’hui ? Car si le Ceta peut sans doute soulever de vraies questions quant à l’accès effectif aux marchés respectifs, il est relativement équilibré et sûrement pas bradé d’un point de vue européen. Le vrai problème tient moins du difficile équilibre entre les avancées et des concessions pour chaque région qu’à l’absence anormale d’un mécanisme financier européen effectif de solidarité, comme l’est le budget canadien ou américain. Il faut le renforcer.

La majorité au Parlement de Wallonie a bien déjoué le piège du Ceta. D’accord commercial de libre-échange avantageux pour les parties, entre deux partenaires commerciaux qui sont très proches, politiquement et culturellement (le Canada et l’Europe, la Wallonie et le Québec), il est aussi devenu le véhicule de deux innovations dangereuses pour le modèle européen : la corégulation d’un côté et les tribunaux spéciaux ouverts aux multinationales étrangères de l’autre. Le Ceta représente sur ces deux points un dangereux précédent pour la négociation du TTIP tellement controversé. La Commission a pris le risque d’utiliser le Ceta comme poisson pilote pour le TTIP, en vue précisément de préempter ces graves questions de principe : anodines avec le Canada, ces deux clauses - corégulation et tribunaux spéciaux - se révéleraient de redoutables outils de contrôle du marché intérieur transatlantique par les lobbies américains dans le TTIP. En chargeant inutilement la barque du Ceta, la Commission a choisi de prendre le risque de la faire couler. La responsabilité lui en incombe.

Troisièmement, conserver l’accord commercial et l’alléger des deux clauses controversées, auxquelles tiennent surtout les filiales canadiennes des multinationales américaines et quelques groupes miniers ou agro-industriels canadiens, ne devrait pas poser de problème au citoyen canadien moyen. Une renégociation est possible et souhaitable quoi qu’en disent les négociateurs aujourd’hui exaspérés et qui, du coup, préféreraient passer en force.
Enfin et pour tout dire : la Wallonie vaut bien le Danemark qui obtenu un opt-out pour l’euro. Elle vaut bien l’Irlande qui bloque l’harmonisation fiscale, autrement critique pour la croissance et l’emploi en Europe que le Ceta, et nous a imposé une Commission surnuméraire de 28 membres. Et que dire du Royaume-Uni qui s’apprête à signer le Ceta alors qu’il en renégociera un autre avec le Canada sitôt acquis le Brexit ? Cessons de crier haro sur le baudet wallon. Gardons notre sang-froid. Renégocions. Les Européens nous en saurons gré.

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A savoir :
Ceta: afflux inhabituel de messages personnels de soutien à Paul Magnette
 Belga Publié le mercredi 19 octobre 2016 à 16h12 - Mis à jour le mercredi 19 octobre 2016 à 16h12
Le ministre-président wallon Paul Magnette a reçu ces derniers jours un afflux inhabituel de messages personnels de soutien en raison de son opposition au traité commercial de libre-échange UE-Canada (CETA), selon son cabinet.
Plus d'un millier de messages personnels sont ainsi parvenus ces derniers jours sur sa boîte mail personnelle, sur sa messagerie de réseau social ou via l'adresse de son porte-parole. Le "flux constant" s'est "nettement accéléré" depuis mardi et l'échéance posée par la Commission européenne pour que la Belgique donne sa réponse vendredi. Ces messages, qui parviennent aussi via le groupe parlementaire, le parti ou l'administration, ne sont pas ceux des traditionnels collectifs et lobbies divers, mais bien de citoyens en leurs noms propres.
Le ministre-président Paul Magnette réfute régulièrement que la Wallonie soit isolée sur le CETA comme le font valoir le gouvernement fédéral et les institutions européennes, et fonde notamment la persistance de son opposition sur le soutien de la société civile.


Pour en savoir plus sur le TTIP et le CETA, voir notamment mes Perles sur le sujet : (http://www.pearltrees.com/michelsim/accords-libre-echange-enjeux/id12732181)

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