17 janvier 2025

De 1885 à 1907, Léopold II, le roi des Belges...

De 1885 à 1907, Léopold II, le roi des Belges, se lance dans la conquête du Congo. Appâté par l’ivoire et le caoutchouc de cette colonie dont il fait sa propriété personnelle, il la saigne à blanc. Un génocide dont l’ampleur exacte est difficile à déterminer, les estimations des historiens allant de 1 million à 10 millions de morts.

« Congo », le récit d’Eric Vuillard

Un article de la série du "Nouvel Obs" Derrière la photo (2/4)
Par Doan Bui. Publié le 17 décembre 2024

Cette histoire-là, Eric Vuillard la connaissait. « Mais quelque chose dans ce cliché m’a fait réaliser que nous, Occidentaux, Blancs, nous ne pourrons jamais comprendre. Ces enfants, sur la photo, ils nous fixent de leurs yeux de papier. Comme si, par un petit trou, leur âme nous regardait. Dans leur regard, il y a une tristesse qui s’enfonce dans le cœur et qui vous fait vous sentir tout petit, vous perdre tout au fond de vous-même. » Et c’est cette tristesse, dans le regard de ces enfants qui a embarqué le romancier dans l’histoire du Congo belge.

« Congo », le récit d’Eric Vuillard, s’ouvre par la conférence de Berlin, des mois de négociations qui commencent en 1884 pour se terminer en 1885, un Yalta colonial où les puissances occidentales décident de se partager l’Afrique. Car, précédant les carnages, il n’y a toujours qu’un seul moteur : l’argent. C’est d’ailleurs pour des raisons de rentabilité qu’il va pleuvoir des mains coupées au Congo.
La « force publique » belge, bref, l’armée de Léopold II, ne fournit pas assez de munitions aux mercenaires locaux embauchés pour mater les populations forcées de récolter le caoutchouc. Pour justifier de leur usage des balles, les soldats doivent ramener des « trophées », en l’occurrence, une main coupée, souvent la droite, pour obtenir salaire. Les « coupeurs » de main en ont parfois tant, des mains, qu’ils les fument pour pouvoir les conserver, et les présenter aux autorités belges.

La première campagne humanitaire médiatique

La photo des enfants mutilés provient de la collection de la missionnaire britannique Alice Seeley-Harris, envoyée au Congo en 1898. Une collection de 60 clichés qu’elle a réalisés avec son mari John Harris, ou récupérés auprès d’autres missionnaires pour dénoncer les horreurs commises sur ce territoire. Les images auraient pu rester cantonnées à la presse protestante. Sauf que les Harris ne sont pas seuls dans leur combat. Ils ont rejoint la Congo Reform Association, née en 1904, un collectif créé par Roger Casement, consul britannique au Congo, et par le journaliste Edmund Morel. Casement a écrit un rapport incendiaire sur les exactions de Léopold II, Edmund Morel, un livre non moins terrible, publié en 1904 : « King Leopold’s Rule in Africa ». Mais ce sont les photos des Harris qui lancent réellement la campagne.

Tout cela tombe très bien pour des puissances comme la France ou l’Angleterre, car ce tintamarre autour de la Belgique évite de jeter une lumière trop crue sur ce qui se passe dans leurs propres conquêtes coloniales… L’impact de ces images est en tout cas suffisamment fort pour que Léopold II soit contraint de lancer une contre-offensive. Il accuse Harris d’avoir truqué les photos », raconte l’historien Daniel Foliard, auteur de « Combattre, punir, photographier », un essai remarquable à tout point de vue sur la photographie et la violence coloniale. [1]

(...) Avant les Harris, un pasteur afro-américain, George Washington, est parti au Congo et, horrifié, a accusé Léopold II de « crimes contre l’humanité » dans une lettre ouverte : son rôle a été aujourd’hui largement oublié. Les photos des Harris, par leur large diffusion, ont invisibilisé les exactions qui se passent ailleurs, en particulier dans l’empire français. Comme s’il y avait eu des colonisations conduites « humainement ». « D’autres images d’horreurs existent pourtant, par exemple lors de la conquête française au Soudan. Mais elles n’ont pas circulé à l’époque. Elles sont totalement occultées, jusqu’à aujourd’hui, encore. Il y a une véritable aphasie coloniale française », souligne Daniel Foliard.

Pour lire la suite, et le texte entier, voir Le Nouvel Obs... et avoir le coeur bien accroché !

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◗ A lire pour en savoir plus
« Congo, l’histoire d’un holocauste oublié », Eric Vuillard, Actes Sud
Prix Goncourt pour « l’Ordre du jour », le romancier revisite l’histoire coloniale du Congo. Dans ce récit ramassé et saisissant, Vuillard nous faisant découvrir ceux qui sont à la manœuvre, Léopold II, le « pharaon » du caoutchouc, Leon Fiévez, l’administrateur colonial fou et bien d’autres.
◗ « Combattre, punir, photographier : empires coloniaux 1890-1914 », Daniel Foliard La Découverte
Un ouvrage historique qui fera date. L’essai de Daniel Foliard analyse des clichés d’archives, dont beaucoup ont été effacés de notre mémoire collective.
◗ « Au cœur des ténèbres », Joseph Conrad.
Le roman culte qui a inspiré « Apocalypse Now ».
◗ Mais aussi le site https://antislavery.nottingham.ac.uk/, qui a numérisé toute la collection des Harris, ainsi que les clichés des Congo Atrocity Lantern Lecture.

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